Dans Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu réalisé par Guillaume Canet, l’actrice Linh-Dan Pham interprète l'impératrice de Chine.
Portrait d’une actrice révélée dans le film mythique Indochine, césarisée, acclamée par la critique et aimée des réalisateurs. Elle est désormais à l'affiche de Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu.
Linh-Dan Pham dans Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu.
La filmographie de Linh-Dan Pham n’est pas seulement une longue liste de grands films français ou étrangers mais aussi celle de personnages éclectiques qui se sont fait une place dans notre imaginaire, comme celui de Camille, fille adoptive de Catherine Deneuve dans Indochine (Régis Wargnier) ou Miao-Lin, professeure de piano de Romain Duris dans De battre mon cœur s’est arrêté (Jacques Audiard). Ces deux rôles ont d’ailleurs permis à la comédienne d’être nominée pour le César du meilleur espoir féminin, en 1993 puis en 2006, qu’elle a remporté la seconde fois. D’ailleurs, depuis cette consécration par le cinéma français, Linh-Dan Pham n’arrête pas de tourner, dans des longs et courts métrages, des séries, et s’essaye depuis peu au frisson des planches de théâtre et de leur immédiateté.
Un an après sa récompense, elle rejoint le casting de Maïwenn dans Le bal des actrices et entre ainsi définitivement dans le cercle fermé des comédiennes les plus populaires de France, aux côtés de Charlotte Rampling, Marina Foïs, Karine Viard, Julie Depardieu ou encore Romane Bohringer. Elle y joue son propre rôle, face à des parents qui lui reprochent sa tenue le jour de la cérémonie des César. Si la scène est une fiction, elle est un clin d’œil au discours ému de Linh-Dan Pham adressé à sa famille : « Voilà, je l’ai eu. Vous êtes contents j’espère ». Une manière de rassurer leurs craintes car Linh-Dan Pham a fait un virage professionnel en retournant sur les plateaux de tournage après dix ans dans l’ombre. En effet, Indochine était pour la jeune fille de l’époque un « accident de vie, une colonie de vacances ». « J’étais au Vietnam, il faisait beau, j’étais la plus jeune et après le tournage je me disais qu’il fallait que je passe mon bac, que j’aille à la fac de médecine… », se rappelle-t-elle aujourd’hui. Elle se lance donc en médecine puis en école de commerce, un parcours plus rassurant pour ses parents, bien que son père cinéphile aimait l’emmener au cinéma « voir des westerns américains, les grandes épopées, l’âge d’or du cinéma américain… » Mais les directeurs de casting finissent par la retrouver et lui proposent de nouveaux rôles. Sa curiosité et son envie de bien faire la poussent à New York où elle prendra des cours à l’institut Lee Strasberg, façon Actor’s Studio.
Linh-Dan Pham, à Paris.
Durant toute sa carrière, Linh-Dan Pham ne cesse d’apprendre. « Le cinéma m’apporte beaucoup de diversité, j’ai pu être chirurgienne du cœur, assister à une opération à cœur ouvert à l’hôpital Pompidou. Pour le film Qu’un sang impur, j’ai même pris des cours de krav maga. Ça me permet de vivre plusieurs vies. » Stéphane Ly-Cuong, un ami réalisateur pour lequel elle a tourné dans le court-métrage Allée des Jasmins confirme : « En tant que réalisateur, je l’ai vue de près, c’est une comédienne qui s’implique à fond dans son personnage, dans la recherche, qui pose des questions sur des choses qui n’apparaissent pas dans le scénario. Quand elle accepte un projet, elle s’y investit totalement, quitte à se raser les cheveux ! »
Anecdote qui a son importance pour le scénariste et réalisateur Abdel Raouf Dafri : elle règle elle-même ses billets de train pour passer des castings. « Dans De battre…, j’avais vu une vraie actrice et j’avais envie de lui envoyer le scénario du film Qu’un sang impur, juste pour voir. Elle l’a lu et a pris un billet de train pour Paris, de sa poche, pour faire des essais. C’est une comédienne qui a de l’importance, elle a un immense talent, un cursus, elle aurait pu demander qu’on lui paye un billet, faire des caprices. Lors des essais, elle était époustouflante, je n’ai pas fait de baratin, je lui ai dit que le rôle était acquis. Elle est humainement impressionnante, adorable, volontaire, et c’est son premier rôle badass ! »
Linh-Dan Pham, à Paris.
Lorsque nous retrouvons la comédienne le temps d’un énième aller-retour à Paris (elle vit à Londres), Linh-Dan Pham arrive vêtue d’une combinaison en jean, les cheveux très courts, quelques semaines après la fin du tournage de Blue Bayou, un film de Justin Chon (Gook, Ms. Purple). « J’ai lu le script qu’il a écrit et je n’avais qu’une envie : être sur le film, jouer cette fille américaine d’origine vietnamienne, malade, qui fait une chimio. Je lui ai dit tout de suite que j’étais prête à me raser la tête. J’ai senti instinctivement que j’en avais besoin pour le rôle », nous indique-t-elle.
« Dans la pièce Summer Rolls, les parents, qui se sont battus pour arriver ici, ne pensent qu’à l’avenir de leurs enfants. En jouant ce rôle de mère, qui peut être très dure, j’ai compris ma propre mère, j’ai eu plus d’empathie pour elle et son exigence. »
Le tournage s'est achevé à la Nouvelle-Orléans et la comédienne analyse les différences de conditions avec la France : « Même si c’était un film indépendant, on sent que le cinéma américain est une industrie, un business. En France, c’est plus artisanal, moins hiérarchisé, on parle plus avec les techniciens. Aux États-Unis, on est focus ! »
Depuis ses premiers rôles, Linh-Dan Pham a fait des allers-retours entre cinéma américain, européen et même vietnamien. « C’est une comédienne qui aime les challenges, se mettre en danger, qui sort de sa zone de confort. Elle continue à explorer », explique Stéphane Ly-Cuong.
« Voir des visages asiatiques sur la scène, je voulais en faire partie, même si je ne suis pas militante sur ce sujet-là. »
Son challenge le plus récent est celui du théâtre. « En 2009, j’avais joué dans Les Justes. C’était une expérience douloureuse car j’avais beaucoup de choses à gérer et ça m’a rendu très humble. Après avoir fait une lecture du texte de Julie Otsuka Certaines n’avaient jamais vu la mer, Richard Brunel m’a rappelée pour monter la pièce et j’ai dit oui. Voir des visages asiatiques sur la scène, je voulais en faire partie, même si je ne suis pas militante sur ce sujet-là. » La pièce rencontre un grand succès en 2018 au festival d’Avignon avant une tournée dans le reste de la France.
Un an plus tard, elle remonte sur les planches de l’autre côté de la Manche pour Summer Rolls de Tuyen Do, « la première pièce jouée, écrite et publiée sur une famille vietnamienne qui vit en Angleterre », précise-t-elle avec fierté. « Les parents, qui se sont battus pour arriver ici, ne pensent qu’à l’avenir de leurs enfants. En jouant ce rôle de mère, qui peut être très dure, j’ai compris ma propre mère, j’ai eu plus d’empathie pour elle et son exigence. » Son ami Stéphane Ly-Cuong partage ses origines vietnamiennes : « Nous avons connu des choses communes dans nos métissages mais aussi dans nos rencontres professionnelles. Chez les femmes, elle est la seule comédienne d’origine asiatique à avoir cette ampleur-là ».
De son côté, la comédienne n’a pas envie d’être renvoyée à ses origines. Bien sûr, elle suit l’actualité culturelle autour des auteurs d’origines asiatiques : « Ça m’intéresse de savoir ce qu’il se passe dans le monde pour des gens comme moi, dont les parents sont déracinés et se sont installés dans un pays autre que le Vietnam », mais elle ne se sent pas militante, voire moins impliquée que certains confrères : « Les comédiens britanniques d’origine vietnamienne sont très ancrés dans leur communauté alors que moi non ».
Pour elle, le cinéma n’est pas une cause, mais une libération. « Dans mon métier, je marche beaucoup à l’instinct alors que dans la vie je ne me fais pas trop confiance, j’ai peur de blesser, de dire ce qu’il ne faut pas dire, de ne pas faire ce qu’il faut. Le cinéma me libère. »
Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 16, mars-avril 2020.