Dans le 11e arrondissement de Paris, Tatiana et Katia Levha fusionnent leurs racines philippines et leur formation française dans leurs restaurants Le Servan et Double Dragon.
Vous avez ouvert ensemble votre premier restaurant, Le Servan, en 2014, après des parcours différents — dans l’hôtellerie, à Londres, pour Katia, et dans la restauration, à Paris, pour Tatiana. Était-ce une évidence ?
Katia Levha : Avant même de commencer nos études, nous nous disions que nous finirions par travailler ensemble plus tard, mais nous ne savions pas encore de quelle façon. Nous avions envie d’avoir notre propre univers. Quand je suis rentrée de Londres après avoir travaillé au Mandarin Oriental, nous avons naturellement décidé d’ouvrir notre propre affaire.
Tatiana Levha : En fait, nous nous sommes rendu compte que nous avions mangé ensemble toute notre vie ! Nous ne cuisinions pas toujours main dans la main, mais nous aimions bien recevoir et cuisiner l’une pour l’autre.
Quel était le rapport à la cuisine au sein de votre famille ?
Katia Levha : Nous avons passé une bonne partie de notre enfance en Asie, en Thaïlande, à Hong Kong et aux Philippines. Nous allions beaucoup au restaurant en famille, nous mangions notamment le lechón, un cochon entier rôti pendant des heures, avec une peau croustillante et une chair fondante. Le matin, nous avalions des longganisa avec du riz : ce sont des saucisses un peu sucrées, que nous proposons d’ailleurs à Double Dragon. Sur la table du petit-déjeuner, on trouvait aussi du boeuf séché caramélisé. C’était très copieux, de véritables festins !
Tatiana Levha : Notre grand-mère du côté paternel cuisinait quant à elle super bien les spécialités françaises. Elle nous préparait notamment des soles meunières avec des frites. Mon premier souvenir en cuisine me ramène aux crêpes qu’elle confectionnait. Aussi, à la maison, notre maman nous mitonnait beaucoup de bons petits plats avec du riz.
« Nous avons tenté beaucoup de choses, ce qui donne des plats piquants, forts en bouche, comme nos incontournables baos frits au comté et sauce XO, les pinces de tourteau frites aux cinq épices de chez Roellinger ou encore nos sorbets pimentés. »
Vous avez d’abord repris un ancien bistrot pour ouvrir Le Servan, où vous servez une cuisine plutôt classique, avant d’ouvrir un
restaurant proprement asiatique, en hommage à vos racines, Double Dragon. Pourquoi dans cet ordre-là ?
Katia Levha : Avant d’ouvrir Le Servan, le restaurant dont nous rêvions était Double Dragon, donc un projet plus personnel. À l’époque, nous avons pensé qu’il était préférable d’ouvrir un bistrot, et nous ne nous sommes pas trompées car les gens ont été très vite réceptifs. Double Dragon est venu de notre envie d’un restaurant où l’on servait du riz, ce que nous n’avions jamais osé faire au Servan. C’était un peu une libération [rires]. Nous avons tenté beaucoup plus de choses qu’à notre première ouverture, ce qui donne des plats piquants, forts en bouche, comme nos incontournables baos frits au comté et sauce XO, les pinces de tourteau frites aux cinq épices de chez Roellinger ou encore nos sorbets pimentés. Ça répondait aussi aux attentes d’une clientèle qui voyage de plus en plus en Asie, pour qui ces goûts sont désormais familiers. Les personnes qui viennent chez Double Dragon sont d’ailleurs globalement plus jeunes que les clients du Servan, ce qui s’explique aussi par le fait que la carte est plus accessible.
Dans la cuisine de Double Dragon, Paris 11e. Photo : Kares le Roy.
Comment qualifieriez-vous votre cuisine ?
Tatiana Levha : C’est une cuisine de bistrot faite avec des produits de qualité aux influences asiatiques, mais ma sœur en parle mieux que moi !
Katia Levha : La cuisine de Tatiana est unique, c’est une cuisine de caractère. Il y a toujours une épice, une touche d’acidité et un condiment — un beurre monté, une sauce, une mayonnaise relevée... Tout est gourmand, généreux. C’est un mélange entre les techniques que l’on a apprises et d’influences variées.