Ryuji Teshima, chef japonais au cœur français, étoilé par passion

Par Pandou Media
Photo de Mathieu Aghababian

Formé au Japon et étoilé en France, Ryuji Teshima s’est forgé un style unique, nourri d’une profonde admiration pour la cuisine française.

Ryuji Teshima, dit Teshi, fait partie de ces chefs insatiables de savoirs et tombés dans la cuisine française comme Obélix dans sa potion magique. Elle est toute sa vie, son essence, si bien qu’il dit de lui : « Je suis un chef français au coeur japonais ». Passé par des cuisines étoilées en France après avoir appris l’art de Bocuse au Japon, il a décroché la sienne en 2016, deux ans après l’ouverture de son propre restaurant, Pages. La même année, il est nommé ambassadeur parisien de la gastronomie française.

Titulaire d’un double diplôme de cuisine et de sommellerie, Teshi a fait ses armes dans des établissements français au Japon avant de s’installer dans l’Hexagone sans parler un mot de la langue. Persévérant, il se fraie un chemin dans les cuisines étoilées du restaurant Les Berceaux à Épernay, puis celles d’Alain Senderens chez Lucas Carton à Paris. Il passe en parallèle tous ses samedis chez Hugo Desnoyer, « le boucher des stars », pour perfectionner ses connaissances sur la viande, avant de rejoindre Terroirs d’Avenir et leurs liens privilégiés avec les petits producteurs. À l’été 2014, il ouvre avec sa femme Naoko Oishi, pâtissière et sommelière, leur premier restaurant dans le 16e arrondissement parisien. Rencontre.

 

Le chef Ryuji Teshima dans sa cuisine ouverte du restaurant Pages, en 2020.

 

D’où vient votre envie de cuisiner ?
Je crois avoir commencé la cuisine à dix-huit ans, au Japon. Je m’intéressais à la cuisine française classique, celle de Paul Bocuse : une cuisine brillante. De nos jours, on peut chercher un métier sur internet, alors qu’à l’époque il fallait ouvrir des livres. Je suis tombé sur un livre de cuisine et il m’a intéressé tout de suite. J’ai eu un coup de coeur. Lorsque j’ai vraiment commencé à étudier la cuisine, ça n’a pas cessé de me plaire, alors j’ai continué dans cette direction. 

Vous avez confié avoir découvert la cuisine française grâce à l’émission Iron Chef, un programme japonais des années 1990 façon Master Chef. Quel souvenir en gardez-vous ?
Ça m’a retourné ! Je voulais faire comme tous ces chefs qui passaient dans l’émission et s’affrontaient : Alain Passard, Pierre Gagnaire, des chefs japonais... Ça m’a donné envie de poursuivre mon rêve. Vous avez ensuite quitté le Japon pour la France, vers vingt-six ans.

 

« Les chefs me montraient et moi je copiais leurs gestes. J’avais cette petite frustration de ne pas pouvoir communiquer avec eux. »

 

Quelle a été votre expérience dans ces restaurants étoilés qui font rêver tant de jeunes cuisiniers ?
C’était évidemment très difficile car je ne comprenais rien à la langue française ! Ne pas parler français, cela veut dire ne pas pouvoir travailler. Je savais cuisiner, désosser les viandes, lever un filet de poisson, faire une sauce, mais sans comprendre la langue c’était impossible de savoir quoi faire. Les chefs me montraient et moi je copiais leurs gestes. J’avais cette petite frustration de ne pas pouvoir communiquer avec eux. Petit à petit, j’ai commencé à comprendre le français, j’arrivais à capter leurs demandes. Il faut dire que les Français sont très forts ! Ils acceptent tous ceux qui veulent découvrir leur cuisine. Cette ouverture d’esprit m’a beaucoup plu car ce n’est pas pareil au Japon.

 


Plat du chef Ryuji Teshima, du restaurant Pages, en 2020.

 

Pourquoi avez-vous choisi le nom Pages pour votre restaurant ?
C’était au départ une page blanche, le début d’une histoire. Aujourd’hui, l’identité a un peu changé et mon équipe est très importante pour moi. L’étoile décernée par le guide Michelin était un cadeau pour elle. Aujourd’hui, « Pages » représente toutes les pages de ce restaurant, tous les cuisiniers, les équipiers. Chaque personne est une page du livre que nous écrivons ensemble. 

Souhaitez-vous obtenir une deuxième étoile ?
Oui, nous en avons envie ! Nous essayons de faire toujours mieux, en cuisine, au service, de faire évoluer l’ambiance du restaurant. Nous voulons que notre client aime l’identité du restaurant. Si cela nous permet d’avoir deux étoiles, c’est encore mieux. Bien sûr, le guide Michelin aime une certaine cuisine, mais nous voulons d’abord développer notre identité, notre originalité, notre hospitalité.


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