Intrigant, déroutant, excitant : l’érotisme japonais fascine l’Occident. Décryptage avec ceux qui, en France, l'ont intégré dans leurs mœurs.
LES SHUNGA, DÉMESURÉMENT ÉROTIQUES
« Viens chez moi, je te montrerai mes estampes japonaises. » Cette expression française, invitation à peine voilée à faire l’amour, fait allusion aux shunga (littéralement images de printemps), des gravures érotiques nippones dont la production remonte au début du XVIe siècle. Elles représentent la plupart du temps des personnages encore vêtus de longues étoffes colorées, aux visages impassibles et aux organes génitaux exagérément grands. « La proéminence des sexes est typique de cet art » souligne Pierre- Dominique Antonini, commissaire priseur de la maison de vente Boisgirard-Antonini, qui remarque que ces gravures suscitent la curiosité de beaucoup de collectionneurs masculins.
« En Occident, l’érotisme n’a jamais vraiment fait l’objet d’un courant artistique à part entière comme c’est le cas avec les shunga. » Conscientes du potentiel sensuel de ces estampes, des marques de cosmétiques érotiques reprennent leurs codes dans le packaging de gels contractants, d’huiles de massage ou encore de lubrifiants.
LE SHIBARI OU L’ART DES NOEUDS
Le kinbaku, plus connu en Occident sous le nom de shibari, puise ses racines dans des techniques militaires médiévales qui consistaient à ligoter et humilier les prisonniers. Au fil du temps, les châtiments corporels ont laissé place à une pratique sexuelle qui s’est popularisée dans les années 1950 au Japon. L’art des noeuds a aujourd’hui largement dépassé les frontières de l’archipel et continue d’attirer un public varié, séduit tant par sa dimension érotique que par son caractère esthétique et méditatif.
« Pour ma compagne, il y a un énorme lâcher-prise, elle n’est presque plus que dans le ressenti. Parfois, la simple odeur des cordes suffit à lui faire de l’effet. De mon côté, je suis dans le plaisir visuel et je savoure toute cette confiance qu’elle m’accorde. Je dois aussi faire preuve de concentration, ce qui m’oblige à retenir mon désir. Quand on pratique, il s’installe un autre rapport au temps. Très souvent, il peut s’écouler cinq heures sans qu’on ne s’en aperçoive », Anton*, « encordeur » pratiquant depuis deux ans.
LE COSPLAY, UN JEU DE MÉTAMORPHOSE
Issu de la contraction des mots « costume » et « play », le terme cosplay désigne l’acte de jouer en costume en poussant l’imitation jusque dans les moindres détails. En plus du déguisement, il s’agit de donner vie au personnage que l’on incarne en adoptant ses expressions et ses traits de caractère. Pour beaucoup, cet art de se travestir revêt une dimension sexuelle. Certains y voient l’occasion de réaliser leurs fantasmes les plus fous avec un héros de manga ou de jeux vidéo. Pour d’autres, c’est aussi l’occasion d’enfiler le costume d’un personnage du sexe opposé (on appelle ça le crossplay). Sur les sites pornographiques, ces jeux de métamorphose rencontrent un grand succès. En 2019, le terme cosplay arrivait en cinquième position des mots-clés les plus recherchés sur Pornhub.
LE HENTAI, MOSAÏQUE DE PLAISIRS
Avec une production si variée, difficile de ne pas conjuguer le hentai au pluriel. Ce porno dessiné, qui désigne à la fois des mangas et des anime, se divise en une multitude de catégories couvrant un large spectre de fétichismes et de fantasmes. « Le paysage éditorial japonais est extrêmement vaste, cela permet à des genres bien spécifiques de se distinguer, rapporte Grégoire Labasse de la maison d’édition française Taifu Comics qui dispose du label hentai NihoNiba. Nous assistons ainsi à l’apparition de toute une frange d’illustrateurs spécialisés dans différentes approches du plaisir sexuel. » Parmi les nombreux sous-genres que compte le hentai, on retrouve le futanari, un terme surtout utilisé pour désigner les œuvres érotiques avec des femmes dotées d’un pénis, le netorare (histoires basées sur la tromperie, où le « trompé » assiste à la scène), le bakunyuu (fétichisme autour des seins démesurés), le lolicon pour lolita complex (sujet à controverse, ce genre met en scène des personnages féminins très jeunes), le shokushu (fantasme des tentacules)...
LES LOVE DOLLS, DES POUPÉES PAS COMME LES AUTRES
Elles s’appellent Xena, Jiaxin, Penny ou encore Samantha. Ces poupées grandeur nature affichent pour la plupart une peau parfaitement lisse, une silhouette fine et un air candide. Faussement vraies, elles reflètent souvent chez ceux qui la détiennent, surnommés les « dollers », un sentiment de solitude et un besoin de lien social. « Généralement, on n’achète pas uniquement une love doll dans un but sexuel, confie Guilhem Aymeric, co-directeur de la boutique de vente en ligne latex-sexy-dolls.com. Beaucoup s’en procurent une pour avoir de la compagnie, une présence. Ils vont dormir avec, lui acheter des vêtements, les mettre dans des situations de vie…» Comme pour répondre à un idéal amoureux, il est possible de les modeler à l’infini. De la couleur des yeux au nombre de grains de beauté, en passant par l’emplacement des piercings et la taille des tétons, tout est ajustable.
UN LOVE HOTEL POUR LES AMANTS PARISIENS
Inventés au Japon, les love hotels se louent à l’heure pour satisfaire ses désirs en toute discrétion. Dans l’Hexagone, le premier (et pour l’instant l’unique) love hotel a ouvert ses portes en 2012 à Paris. « Ici, la politique de réservation est moins stricte que dans les hôtels classiques, car nous savons que notre clientèle est aussi composée de couples illégitimes », explique Barbara, employée au Love Hotel à Paris. Les amants en quête d’un nid douillet temporaire peuvent choisir parmi une vingtaine de chambres à thèmes (La Cage, Tattoo, Safari, 1001 nuits…) pour réaliser des fantasmes nécessitant un décor spécifique. Les plus curieux ont même la possibilité, si l’envie leur prend, de s’inspirer de ce qui se passe dans la pièce d’à côté.