Nuit Incolore, phénomène et nouveau role model musical

Par Julie Hamaïde

Nuit incolore est devenu un phénomène musical en moins de 3 ans. Rencontre avec un artiste inspiré, qui garde un lien fort avec le Vietnam. 


Révélation francophone de l’année aux NRJ Music Awards 2023, Nuit Incolore, de son vrai nom Théo Marclay, reste un jeune homme terre à terre. Adopté au Vietnam par des parents suisses, gérants d’un magasin de musique, il se tourne naturellement vers le conservatoire où il apprend le piano dès l’âge de 7 ans. Après avoir écumé les partitions de Mozart et Chopin, il joue ce qu’il entend à la radio ou dans ses films favoris, en particulier ceux du studio japonais Ghibli. 

En 2020, pendant le confinement, il se met à écrire, composer et réaliser des vidéos dans sa chambre, qu’il poste sur les réseaux sociaux. Le succès est immédiat, lui permettant de se faire remarquer par une maison de disques. En 2023, il sort « Dépassé », un texte dans lequel il s’adresse à l’homme qu’il serait devenu s’il était resté au Vietnam. Le titre cumule aujourd’hui plus de 62 millions d’écoutes sur Spotify. Si la Japan Expo a accueilli ses premières scènes, c’est désormais l’Olympia qui lui tend les bras avec une représentation le 29 novembre 2024, au cœur d’une tournée initiée en début d’année et qui va se poursuivre partout en France en 2025.

 

Théo Marclay, dit Nuit Incolore. Photo : Hoda

 

Pourquoi avoir choisi les réseaux sociaux pour débuter ? 

Je suis quelqu’un de très casanier. Les réseaux sociaux sont mon lien avec l'extérieur et la meilleure façon d’archiver mes musiques, pour ne pas les oublier, pour les montrer à ma descendance potentielle en disant « regardez ce que papa faisait dans sa jeunesse ». Avec l'essor du confinement, Tiktok a explosé et c’est devenu mon outil de travail.


Quel est votre parcours ? 

Je suis Vietnamien, adopté par une famille suisse, donc avec une éducation européenne et mes parents tiennent un magasin de musique. Depuis toujours j’ai baigné dans cet univers musical, j’ai fait le conservatoire (une dizaine d’années de piano), formation classique, puis j’ai commencé à jouer des chansons que j’entendais à la radio ou des musiques de films. Ensuite, avec le confinement, je me suis mis derrière mon piano pour chanter des textes que j’ai publiés sur Tiktok où un directeur artistique est tombé sur mes vidéos. 

Quel est votre lien avec le public ?

Mon public est un peu comme mes potes. Je leur parle sur les réseaux mais je les rencontre en concert. Souvent, les séances de dédicace durent plus longtemps que le concert lui-même. Ce sont en quelque sorte les potes que je n’ai pas eus étant enfant. 


Quelles sont vos inspirations ?

Je m’inspire beaucoup du studio Ghibli.
Les seuls paysages que je pouvais regarder durant le confinement étaient ceux à travers mon écran, donc ça m’a fortement marqué. Mes parents adoptifs sont aussi des inspirations : ils tiennent un magasin de musique, faisaient des bals dans les villages. Depuis petit, j’ai appris que la musique avait un certain pouvoir. 

 

« En tant que premier lauréat asiatique francophone aux NRJ Music Awards, il me semblait important de passer un message d’espoir »

 

Avez-vous vécu des discriminations ? 

Je ne pourrai pas parler de discrimination, car quand on est enfant on banalise un peu ce genre de choses. Je n’ai jamais été roué de coups. Je suis peut être passé pour un objet exotique aux yeux des autres. Mais en grandissant, je pense que les gens se sont calmés.


Lors de votre victoire aux NRJ Music Awards, vous avez souligné le manque de représentation. Était-ce important de le dire à ce moment-là ? 

En tant que premier lauréat asiatique francophone aux NRJ Music Awards, il me semblait important de passer un message d’espoir. Oui, les Asiatiques sont peu représentés dans le paysage musical francophone mais c’était important de montrer que cette communauté invisible pouvait faire de belles choses et surtout dire aux autres d’oser. 

 

« Je n’étais pas très loquace sur l’adoption, j’en parle maintenant dans mes chansons »

 


« Dépassé » est un titre qui a recueilli plus de 62 millions d'écoutes sur Spotify. Vous évoquez votre adoption. Pouvez-vous le décrypter pour nous ? 

Je n’étais pas très loquace sur l’adoption, j’en parle maintenant dans mes chansons alors qu’un temps je l’assumais peu. « Dépassé » est une chanson qui m’a porté en 2023. C’était une manière de parler avec le moi fictif qui était au Vietnam en 2001. Ce côté dépassé par le temps représente un regain de mélancolie, comme si je vivais encore au Vietnam, alors que maintenant je suis sous le feu des projecteurs. Quand je dis « Je veux rejoindre la lumière », je parle d’être reconnu, par quelqu’un, ce qui n’a pas été fait par ma famille biologique. 


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