Le Paris de Kenzo

Par Pandou Media


« C’est Paris qui m’a donné la liberté de créer », 
disait le couturier japonais Kenzo Takada (1939-2020), fondateur de la marque KENZO. Lui qui comptait rester six mois dans la capitale à son arrivée en 1965 y vivra finalement plus de cinquante ans, trouvant l’inspiration rive droite comme rive gauche, au détour d’une ruelle ou dans un ciel bleu d’hiver. De ce Paris rêvé, arpenté en long et en large par ce couturier de génie, il reste quelques adresses, que l’on se refile sous le manteau. Profitez-en pour (re)découvrir la Ville Lumière qui adopte pour l’occasion un accent nippon. 
[Texte : Margaux Vanwetswinkel – Illustration : Blandine Pannequin]

Georges François Fleurs

36-38 rue Delambre, 75014

Les fleurs et Kenzo : une grande histoire d'amour. Tantôt discrètes sur des cotonnades imprimées, tantôt exubérantes ornant des costumes folkloriques réinventés, elles sont omniprésentes, au point même de devenir l’une des marques de fabrique du Japonais. S’il aime en parsemer ses créations, elles sont aussi partout chez lui sous la forme de joyeux bouquets. Le responsable de ce perpétuel sacre du printemps ? Le fleuriste Georges François, dont l’échoppe se trouve à deux pas de la gare Montparnasse. C’est également à lui que Kenzo confiait le soin de fleurir ses défilés.

 

 

K3

242 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris

Peu avant son décès des suites de la Covid-19, le 4 octobre 2020, Kenzo Takada se lançait dans une nouvelle aventure avec K3, une marque lifestyle, savant mélange d'Orient et d'Occident. Il a ainsi dessiné une ligne de meubles et d'accessoires ultra-colorés et raffinés, qui sont à découvrir dans le showroom de la marque, au premier étage de cet immeuble du boulevard Saint-Germain. « Mon intérieur idéal, c'est le confort qui invite à rester chez soi. J'aime quelque chose de doux et poétique, pas agressif. J'aime bien rêver », disait le couturier. Cet esprit réconfortant (et hautement salutaire pour la période que nous vivons) plane dans chacune des créations pour la maison qu’il a laissées derrière lui.

Toyo

17 rue Jules Chaplain, 75006

« La seule chose que je sais cuisiner pour moi-même, ce sont des sachets de curry japonais », affirmait le couturier. Heureusement, il pouvait compter sur la présence du chef Toyomitsu Nakayama pour lui sauver la mise, particulièrement avec son fameux pot-au-feu japonais. Chef particulier de Kenzo Takada de 2002 à 2009, il a depuis ouvert son propre établissement, Toyo. On y sert une cuisine franco-nippone au comptoir ou à table, que l’on déguste sous les auspices du créateur qui conseillait de s’y rendre plutôt les lundis, « quand c’est plus japonais que français ».

L'hôtel Heidelbach

19 avenue d'Iéna, 75016

Pour admirer des roses et des orchidées, Kenzo Takada arpentait les allées du Jardin du Luxembourg. Pour retrouver un peu de l’esprit du Japon à Paris, c’est au 19 avenue d’Iéna qu’il se rendait. À un jet de pierre du musée Guimet, dont il est l’une des entités, l’hôtel Heidelbach accueille en son sein une maison de thé — chashitsu — nichée dans un véritable jardin japonais. Bonsaï, bambous ou sakura (cerisiers du Japon) venaient rappeler à ce Parisien d’adoption les merveilles naturelles de son pays natal, dont il n’a cessé de s’inspirer tout au long de sa vie.

Jungle Jap

43 galerie Vivienne, 75002

C'est là que tout a commencé. Le 14 mars 1970, Kenzo Takada ouvre sa première boutique au numéro 43 de la galerie Vivienne, à Paris. Cela fait maintenant cinq ans qu’il a installé ses pénates dans la capitale, après des études de mode au célèbre Bunka Fashion College de Tokyo. Il a depuis roulé sa bosse, travaillé pour les autres et affiné son style ; il est désormais l’heure d’avoir sa propre marque de vêtements. La galerie Vivienne est l’écrin parfait pour son nouveau projet, Jungle Jap. Quiconque s’aventure alors dans l’antre du créateur tombe nez à nez avec une flore foisonnante et un formidable bestiaire qui recouvre les murs, inspiré du tableau Le Rêve du Douanier Rousseau. Les collections, elles, sont présentées lors de défilés qui ont lieu dans la galerie. Le succès est fulgurant, mais bientôt, il doit déménager. Direction le passage Choiseul... Où son propriétaire n’est autre que le photographe de mode Peter Knapp.

3, place des Victoires, 75001

De Paris à New York, en passant par Tokyo, tout le monde raffole du couturier qui instille de la bonne humeur dans chacune de ses collections. Ses défilés sont attendus avec ferveur : les gens se battent pour être de la partie. En 1976, il rassemble son atelier, sa boutique et son siège social dans un immeuble place des Victoires face à la statue équestre de Louis XIV. Pour le premier show de l'année 1981, il couvre la place d'une immense tente ; rien n’est trop extravagant pour la nouvelle coqueluche de la mode. En 1984, Jungle Jap prend le nom de son créateur et devient KENZO, marque qu'il vendra neuf ans plus tard à LVMH, avant de la quitter en 1999. En guise d’adieu, un immense défilé sous forme de rétrospective a lieu au Zénith, à Paris. Aujourd’hui, la maison compte une dizaine de points de vente dans Paris et son directeur artistique est Felipe Oliveira Baptista. Le siège social a déménagé... Rue Vivienne. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

8 rue Sedaine, 75011

À la fin des années 1980, Kenzo fait construire une maison typiquement japonaise cachée à Bastille, à côte du Café de l’Industrie. Jardin japonais, bassin, matériaux importés du Japon... L'endroit fait figure de havre de paix dans un quartier bouillonnant. Il y habitera pendant vingt ans, avant de s’en séparer pour s'installer à deux pas du Lutetia, dans le 7e arrondissement. Jusqu’à sa mort en 2020, il règnera sur la rive gauche depuis son appartement haussmannien haut perché, entouré d’une incroyable collection d’objets d’art asiatique, précolombien ou tribal, dispersée lors d’une vente aux enchères le 11 mai 2021 chez Artcurial. Quant à sa maison japonaise, elle a depuis été entièrement rafraîchie par l'architecte Kengo Kuma en 2019.

 Cet article a été publié dans Koï #22, disponible en ligne.


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