Ayumi Sugiyama : une note de Japon dans un océan de pâtisserie française

Par Pandou Media

Ayumi Sugiyama fait partie des rares femmes gérantes d’un restaurant étoilé en France. En 2021, le guide Michelin en dénombrait cinq. Autre particularité : c’est en dessert qu’elle excelle, laissant la cuisine à Romain Mahi et la sommellerie à Etienne Billard, tous deux rencontrés quelques années plus tôt. À trente-huit ans, la cheffe tout sourire nous reçoit dans son établissement, Accents, à deux pas de la Bourse de Paris. Un lieu plein de charme où sacs en papier de menus à emporter et plafonnier en origami se côtoient durant le confinement.
[Texte : Julie Hamaïde]

Votre passion pour la pâtisserie remonte à votre enfance. Pouvez-vous nous en parler ?

Au début, j’hésitais entre la pâtisserie et la boulangerie. Mon père, qui tenait une boutique de chaussures à Shizuoka [au sud-ouest de Tokyo au Japon, NDLR], a demandé à un de ses clients boulanger de m’accepter comme stagiaire le temps d’une journée. Le boulanger m’a dit : « Si le pain est un peu mal fait, après la cuisson, ça ira mieux ». Ce n’est pas du tout ça que je cherchais ! Dans la boulangerie, les clients n’étaient pas aussi souriants que ceux que j’avais l’habitude de voir devant les vitrines des pâtisseries. Je me suis dit à ce moment-là que je voulais faire des gâteaux. En plus, la plupart du temps, lorsque l'on fait un gâteau, ce n’est pas pour soi mais pour les autres. C’est quelque chose qui me plaît.

Comment définir la pâtisserie japonaise par rapport à la pâtisserie française ?

Ce sont deux choses très différentes. Petite, je n’aimais pas les pâtisseries, ni japonaises, ni françaises. Je ne suis pas très « sucré ». Au Japon, on fait beaucoup de desserts avec des haricots rouges cuits dans du sucre. C’est très pâteux, trop lourd pour moi. À l’époque, je n’aimais pas trop. Finalement, la pâtisserie japonaise ne m’intéressait pas beaucoup.

À l’école, on m’avait prévenue que c’était plus difficile pour les filles. Ces expériences se sont déroulées dans des pâtisseries françaises, mais je pense que ça aurait été encore plus dur dans une pâtisserie japonaise.

Après vos études au Japon à l’école Tsuji — l’une des plus réputées du continent asiatique —, vous avez eu du mal à trouver un emploi. On vous a dit : « pas de femme ». Avez-vous été étonnée par ce discours ?

Il y a vingt ans, je voulais travailler dans une pâtisserie assez connue à Tokyo. J’ai fait des démarches dans quatre boutiques différentes, habillée en costume, avec mon CV. J’ai demandé à parler avec le chef pour un entretien mais je n’ai essuyé que des refus. C’était très énervant. À l’école, on m’avait prévenue que c’était plus difficile pour les filles. Ces expériences se sont déroulées dans des pâtisseries françaises, mais je pense que ça aurait été encore plus dur dans une pâtisserie japonaise. Aujourd’hui, c’est peut-être un peu différent.

Est-ce pour cette raison que vous êtes venue à Paris ?

Ne réussissant pas à me faire embaucher à Tokyo, je suis retournée à Shizuoka, ma ville natale. J’ai trouvé un poste à la pâtisserie française La Lausanne. C’était super, une première expérience durant laquelle j’ai beaucoup appris. Au même moment, mon frère, architecte, était en Italie. J’avais moi aussi envie d’avoir une expérience à l’étranger et la France s’est imposée naturellement. Je suis partie comme ça, je ne connaissais personne, ne parlais pas du tout français. Je suis arrivée avec un visa étudiant, pour neuf mois, et je me suis inscrite en cours de français, mais le professeur nous parlait en anglais, je ne comprenais rien ! C’est comme ça que je me suis dit qu’il fallait trouver un emploi et apprendre en travaillant.

Cet article est à lire en version intégrale dans Koï #22, disponible en ligne ou en kiosque.


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