Quoc Dang Tran, premier Français chez HBO USA, remporte un Emmy pour Les Gouttes de Dieu

Par Pandou Media
Photo de Jean-Paul Loyer

Quoc Dang Tran, scénariste des Gouttes de Dieu, partage son émotion après avoir remporté l'Emmy Award de la meilleure série dramatique, un rêve devenu réalité.

À 35 ans, Quoc Dang Tran quitte une carrière en entreprise pour suivre une passion inattendue : l’écriture de scénario, découverte en lisant par hasard un script chez une amie. Après une formation accélérée, il s’impose dans l’univers des séries françaises avec des succès comme Fais pas ci, fais pas ça (co-directeur de l’écriture sur deux saisons), Le Bureau des légendes et Dix pour cent. Désormais, il franchit une étape majeure en devenant le premier scénariste français sous contrat avec HBO USA, une reconnaissance internationale pour son talent et son envie d’explorer de nouveaux genres. Il remporte également un International Emmy Award pour Les Gouttes de Dieu, une série qui raconte la quête initiatique de Camille, novice en œnologie, confrontée à un défi laissé par son père décédé : rivaliser avec un prodige du vin pour hériter de sa précieuse collection, dans une intrigue mêlant héritage, culture et passion.

Ça fait quoi de gagner un Emmy Award, la récompense ultime pour les séries TV ? 
On ne pense pas nécessairement à cela lorsque l’on crée une série, on espère d’abord qu’elle va rencontrer son public et que les critiques ne seront pas trop cinglantes. Obtenir un Emmy, c’est un grand honneur et une grande fierté, surtout lorsque l’on est un enfant d’immigrés et que la langue française nous permet d’atteindre ce genre de rêve. 

Quelle est la genèse de cette adaptation, du manga à la série ?
C’est un producteur, Klaus Zimmermann, qui est venu me voir en me demandant si ça m’intéresserait d’adapter un manga en live action. Je l’ai lu et j’ai beaucoup hésité car je n’y connaissais pas grand chose en vin et que l’adaptation s’annonçait comme une tâche ardue. En réalité, ce qu’on attendait de moi, c’était davantage une adaptation occidentale donc de transposer des personnages japonais en personnages français, ce qui pouvait avoir du sens puisque l’on était dans le milieu du vin. Mais j’ai décidé, par respect vis-à-vis du manga, de garder des personnages japonais et de créer une série biculturelle en quelque sorte.

 


Les personnes d’origines asiatiques sont rares dans le cinéma et l’audiovisuel français. Portez-vous une attention particulière à créer des personnages à leur image dans vos créations ? 
Je trouve que les Asiatiques de France oscillent entre invisibilité et discrimination : deux positions intenables. On sent dans les critères occidentaux que le physique des Asiatiques est une étrangeté, une altérité qui peut être un frein à l’assimilation. Par conséquent, dans notre milieu, les producteurs et les décideurs font parfois preuve d’un manque cruel d’imagination lorsqu’ils s’agit de donner des rôles à des Asiatiques. Moi, je suis de plus en plus attentif à cela, j’essaye de créer des personnages qui peuvent sortir de ces sentiers battus et tordre le cou aux stéréotypes, mais ça reste un chemin difficile. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que personne dehors ne nous attend et que c’est à nous de créer notre place. 

 

« Dans notre milieu, les producteurs et les décideurs font parfois preuve d’un manque cruel d’imagination lorsqu’ils s’agit de donner des rôles à des Asiatiques. »

 

Vous êtes un role model pour de nombreux jeunes qui pensaient qu’être scénariste n’était pas pour eux. Avez-vous reçu le soutien de vos parents lorsque vous vous êtes lancé ? 
Il y a quelques années, lorsque j’ai décidé de quitter le monde de l’entreprise et de devenir scénariste, je me souviens que j’étais extrêmement nerveux à l’idée d’annoncer la nouvelle à mes parents, alors que j’avais 35 ans et que je n’étais plus un enfant. Mes parents se sont sacrifiés pour me payer des études coûteuses en école de commerce et d’un revers de la main j’allais balayer tout ça. Pour l’anecdote : j’ai appelé mes parents, je suis tombé sur ma mère et je lui ai dit : « Maman, je vais démissionner et je vais devenir scénariste ». Et là j’entends un silence au bout du fil et ma mère qui se tourne pour parler à mon père. Ils marmonnent, ils chuchotent en vietnamien, je n’entends pas ce qu’ils disent. J’attends et ensuite ma mère revient au téléphone et me dit : « Ton père a toujours voulu écrire, on est sûrs que tu vas réussir et que ça va bien se passer ». Mes parents m’ont donné beaucoup d’amour et la volonté d’être capable de faire des choses. Pour ça, je leur en serai éternellement reconnaissant.


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