Bao Family : la start-up qui dépoussière la cantine chinoise

Par Emilie Huynh
Photo de Thavinh

À la tête de 7 restaurants en France, Céline Chung et Billy Pham reviennent sur leur parcours et leur reconversion.


Quel a été votre parcours ?

Céline Chung : J’ai suivi un parcours d’école de commerce assez classique pour commencer en finance puis en conseil. Je me suis rapidement rendu compte que j’avais envie d’entreprendre et me suis donc rapprochée de ce que j’aimais dans la vie, c’est-à-dire la nourriture. Et puis en tant que Française d’origine chinoise, ma double culture fait que j’avais aussi besoin d’affirmer mon identité donc l’idée d’ouvrir un restaurant chinois correspondait à cette recherche. Je voulais partager un bout de la culture chinoise avec les Français.

Billy Pham : J’ai aussi eu un parcours assez classique. J’ai fait une école de commerce puis deux ans d’échange aux États-Unis. J’ai toujours eu une fibre entrepreneuriale assez forte donc j’ai essayé de monter une boîte dans la pub aux États-Unis avec un de mes amis. Après cette expérience, je suis rentré en France puis je me suis lancé dans la restauration en franchise avec mon frère. Nous avons eu plusieurs restaurants sous franchise qui m’ont beaucoup appris sur le plan opérationnel, mais sur le plan créatif quelque chose me manquait et je sentais que je voulais monter mon propre restaurant.


Comment vous êtes-vous rencontrés ?

C.C. : Après avoir quitté mon job dans le conseil, j’ai travaillé pour le restaurant Paris New York. Au bout d’un an, je leur ai dit que je voulais monter mon projet et c’est à cette occasion que j’ai rencontré Billy. Nous nous sommes vus deux fois et nous avons commencé à travailler ensemble au bout de la troisième. Pour être sûrs que nous nous entendions, nous sommes partis à Shanghai. Nous avons fait un tour des restaurants pour mieux comprendre l’esprit de la cuisine shanghaienne.

B.P. : L’idée pendant ce voyage était aussi d’affiner la proposition que Céline avait jusque-là. Nous avons pris des cours de cuisine pour avoir la pleine maîtrise de la proposition culinaire. Nous n’avions pas envie d’être complètement dépendants d’un chef.


« Je voulais partager un bout de la culture chinoise avec les Français. » Céline Chung



Vous voulez faire fi de tous les clichés sur les restaurants asiatiques à travers une communication forte. Pourquoi cet impératif de rendre la cuisine chinoise « cool » ?

C.C. : L’idée est de casser tous les clichés que les gens ont sur la culture chinoise. Pour moi, un des meilleurs moyens de le faire est de les tourner en un raisonnement absurde. Bien sûr, c’est fort et ça ne plaît pas à tous mais ça provoque les esprits et ça fait réfléchir. Ce que nous faisons dans nos lieux, c’est essayer de promouvoir l’ouverture aux autres cultures et à la différence.

B.P. Finalement, tout ça fait partie de nos valeurs, de nos objectifs. Nous voulons montrer que la cuisine chinoise est une cuisine hyper fraîche contrairement aux clichés que l’on peut en avoir.


La décoration de vos restaurants est aux antipodes de celle des restaurants chinois plus traditionnels. Quelles ont été vos inspirations ?

C.C. : Pour Petit Bao, nous étions plus orientés sur la cuisine de Shanghai parce que le xiǎolóngbāo est shanghaien. Nous voulions un lieu qui soit un mélange entre Shanghai, Paris et Berlin. Nous avons mélangé tout ça avec des éléments modernes comme le carrelage blanc et les murs bruts qui permettent aussi de garder l’âme du lieu.

B.P. : Pour Gros Bao, nous voulions faire une grosse cantine car le lieu que nous avons est spacieux et nous évoquait déjà ces grandes cantines chinoises : il y a de la vapeur, du monde, du bruit, beaucoup d’odeurs. Pour ce projet, nous sommes partis à Hong Kong pour chercher l’inspiration. L’envie de voyager est omniprésente dans les idées que nous pouvons avoir. Il faut que le client soit transporté à partir du moment où il entre chez nous.



« L’envie de voyager est omniprésente dans les idées que nous pouvons avoir. Il faut que le client soit transporté à partir du moment où il entre chez nous. » Billy Pham



Qu’est-ce que la cuisine chinoise vous permet d’exprimer sur vous-même ?

B.P. : Je ne suis pas d’origine chinoise mais j’ai un lien très fort avec la nourriture chinoise grâce à mon père. Et puis, au niveau des valeurs, nous parlons le même langage avec Céline. C’est une cuisine que nos parents nous ont préparée et qui rassemble toute la famille. Les parents sont souvent pudiques et beaucoup de choses s’expriment à travers les repas. Tout le lien social se fait autour de la nourriture. En fait, c’est de cette manière que le partage, l’amour et l’affection s’expriment.

C.C. : Les parents chinois ne disent pas « Je t’aime ». En revanche, ils nous demandent si on a bien mangé. Dans une culture où on exprime peu ses émotions, on prend soin des gens en leur offrant à manger. Le repas est un moment de communauté où on va créer du lien. D’autre part, la cuisine chinoise est une cuisine complexe. On a un mélange de textures : le fondant, le croustillant, le croquant. On retrouve une diversité de saveurs : des épices, du sucré, du sel, du doux. Cette diversité témoigne de la complexité de la culture chinoise. La nourriture est un héritage qui en même temps a subi beaucoup de transformations. En ce sens, je trouve que c’est une cuisine moderne car elle s’adapte à l’air du temps et cela reflète aussi ce qu’est la Chine aujourd’hui. C’est un pays qui tient à ses traditions mais qui s’adapte à l’époque dans laquelle on vit.


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