Le spectacle Nos corps empoisonnés est de retour sur scène. Cette pièce de théâtre raconte l’histoire de Tran To Nga et son combat contre l’agent orange. La tournée se prolonge jusqu’en avril 2025. Rencontre avec la metteuse en scène, Marine Bachelot Nguyen.
Elle repart en tournée. Avec Nos corps empoisonnés, la metteuse en scène Marine Bachelot Nguyen a retrouvé les planches, au théâtre Romain Rolland de Villejuif, jeudi 26 septembre 2024. Son spectacle raconte l’histoire de Tran To Nga, victime des épandages de l’agent orange lors de la guerre du Vietnam et désormais en procès contre les entreprises américaines qui ont fabriqué ce produit. L’occasion pour Koï de s’entretenir avec Marine Bachelot Nguyen.
Vos pièces de théâtre, que ce soit avec Nos corps empoisonnés ou les précédentes (Les ombres et les lèvres, Circulations Capitales), racontent le Vietnam, alors que vous vivez en France. Pourquoi ?
On souffre d'un déficit de représentation de l'histoire du Vietnam et des personnes asio-descendantes sur les scènes de France. Mon théâtre veut meubler ce manque et fournir des représentations complexes et dignes des communautés asiatiques. Avec Nos corps empoisonnés, je raconte l’histoire d’une combattante [Tran To Nga]. Mon spectacle suivant parlera des boat people, réfugiés du sud-est asiatique. Il m'importe de faire exister ces récits que tout le monde oublie trop vite. Dans Nos corps empoisonnés, je travaille avec une héroïne communiste, puis avec les boat-people je vais parler de ceux qui ont fui les régimes communistes du Vietnam, du Cambodge et du Laos. Il faut offrir des espaces de représentation en sortant de l'exotisation, en en faisant une histoire universelle.
S’agit-il d’un théâtre documentaire ?
La réalité est souvent riche, frappante et en l’observant il n'y a pas besoin de fiction. Faire un spectacle comme Nos corps empoisonnés, c'est transmettre une histoire et faire connaître un combat.
Un théâtre donc très politique ?
Tous mes spectacles portent sur des sujets politiques et sociaux, liés au féminisme, aux questions coloniales et de racisme, avec ce souci d'un théâtre social et politique qui s'adresse à tout le monde. J'ai ainsi créé plusieurs spectacles en lien avec le Vietnam. En 2014, je suis partie au Vietnam mener des recherches sur le mouvement LGBTQI de ce pays. J'en ai fait un spectacle qui s'appelle Les ombres et les lèvres. J'ai créé en 2018 Circulations Capitales, sur nos mémoires familiales. J'ai aussi fait Sœurs, sur l'histoire des sœurs Trung, des héroines du Vietnam contre l'occupant chinois, en faisant un parallèle avec l'histoire de ma grand-mère et de sa sœur.
« Je vois à quel point des communautés asio-descendantes se mobilisent et viennent voir ce spectacle. »
Pourquoi avoir choisi l’histoire de Tran To Nga, pour écrire Nos corps empoisonnés ?
Il s'agit d’être partie prenante de la lutte. On sensibilise et on émeut les gens. Avec Tran To Nga, on se partage les droits d'auteur, puis en fin d'année je reverse ma part aux associations qui soutiennent les victimes de l'agent orange. C'est une façon concrète de participer à ce combat. Je vois aussi à quel point des communautés asio-descendantes se mobilisent et viennent voir ce spectacle.
De bout en bout, vous restez toujours liée au Vietnam.
Je ne parle pas le vietnamien, ce qui est un manque. J'essaye au mieux de connaître son histoire. Mais il y a dans la mienne le métissage. J'ai grandi en France. L'identité ne cesse de changer au fil du temps. C'est un processus, avec des nourritures multiples et des identités mosaïques. J'ai commencé à tirer ce fil-là après le décès de ma mère. Il s’agit de renouer le fil avec un héritage, des gens qui ne sont plus là. Travailler sur ces questions fait qu'on se rapproche d'autres personnes qui sont dans ces quêtes et ces héritages d'asio-descendances. Même si en tant qu'asio-descendants nous n’avons pas tous les mêmes histoires, nous avons des points communs.