La colonisation française en Asie du Sud-Est (presque) absente des programmes scolaires

Par Lune Hornn
Photo de LStockStudio

Évoquée rapidement au détour d’une carte ou uniquement pour introduire la guerre du Vietnam, la colonisation française en Asie du Sud-Est est très peu étudiée dans les cours d’histoire. Retour sur un passé que l’on n’enseigne qu’à demi-mot.

Une carte au collège et quelques pages au lycée : c’est tout ce que l’on peut trouver dans les manuels scolaires concernant le passé colonial français en Asie du Sud-Est et la guerre d’Indochine. Alors que la colonisation en Asie commence en 1858 et prend fin en 1954, le programme scolaire ne laisse qu’une place périphérique à ce siècle de présence française.

Une histoire survolée 
Dans le Bulletin officiel, document qui dicte les grandes lignes du contenu scolaire, la colonisation est abordée dès la classe de quatrième. Il est recommandé aux enseignants de prendre l’exemple de l’empire colonial français, mais sans aucune obligation.

« Au collège, on doit faire une étude de cas », détaille Emma Christ, professeure d’histoire dans un collège de Maisons-Alfort dans le Val-de-Marne. « Au choix, on peut travailler sur la colonisation de l’Algérie ou sur celle de l’Inde ». Selon l’enseignante, il s’agit davantage de montrer un planisphère avec les différentes colonies françaises que de détailler chacune d’elles : « C’est vraiment à la volée », admet-elle.

« Souvent, la guerre d’Indochine passe à la trappe », Adrien Roso

L’année suivante, en troisième, les élèves doivent étudier la décolonisation. Là encore, les exemples sont laissés à la discrétion du professeur. Selon Adrien Roso, également professeur d’histoire dans un collège de Maisons-Alfort, « ce qui est le plus pris en compte par les professeurs, c’est le cas de l’Angleterre avec l’Inde et la guerre d’Algérie. Souvent, la guerre d’Indochine passe à la trappe ou n’est mentionnée qu’en quelques phrases ».

Un récit abrégé faute de temps 
Au lycée, le constat est similaire. En première générale, les élèves étudient un chapitre intitulé Métropole et colonie. Cette fois, le document du Bulletin officiel prévoit un point de passage – c’est-à-dire un élément nécessaire à aborder – sur la ville de Saïgon, exemple de ville coloniale. Là encore, les enseignants choisissent ou non de s’y attarder, mais il s’agit de la première mention explicite de la colonisation française en Asie du Sud-Est dans les programmes scolaires.

« La densité des programmes est très importante. On ne peut pas se permettre de passer une semaine sur un sous-thème comme celui des colonies asiatiques », concède Stéphane Guyon, professeur d’histoire dans un lycée à Rennes. En terminale, un autre point de passage souligne la nécessité de parler de la guerre d’Indochine, « mais on bifurque très vite sur la guerre du Vietnam », reconnaît le professeur.

Quand l’histoire des colonies cesse d’être celle de la France
Sandrine Lemaire, historienne et co-autrice des livres Culture coloniale et Culture impériale, explique la place faite à la guerre d’Indochine dans les programmes scolaires par plusieurs facteurs. « Comme toute défaite dans un récit national, c’est évoqué, mais on n’épilogue pas », indique-t-elle.

L’historienne souligne que l’armée impliquée dans la guerre d’Indochine était une armée composée exclusivement de militaires professionnels, il n’y a pas eu de réquisition par l'État de citoyens, ce qui a moins marqué l’opinion publique. Pour Sandrine Lemaire, « ça ne touche pas beaucoup les familles françaises ». Elle ajoute : « Il y a la distance, aussi, qui explique que, déjà à l’époque, on n’en parlait relativement peu ».

Si la guerre d’Indochine ne faisait pas beaucoup parler d’elle à l’époque, l’histoire des colonies occupait une plus grande place dans les écoles. « Vous aviez beaucoup de parties du programme consacrées aux colonies. Avant les indépendances, l’histoire des colonies, c’était l’histoire de France. Après, elle est devenue périphérique », analyse Sandrine Lemaire. Aujourd’hui, seule l’Algérie occupe une place particulière dans les programmes. Aucune réforme n’est prévue pour approfondir l’enseignement des anciennes colonies françaises dans les établissements scolaires

 

 


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