Steakhouse 1146 n’a d’américain que le nom. Ce restaurant japonais est destiné aux initiés, comme au Japon, où il faut une invitation pour y déguster un menu dédié au wagyu.
Quelle est votre définition du steakhouse japonais ?
Le steakhouse japonais a une histoire très intéressante. Elle commence avec l’histoire du bœuf japonais à Kyoto. Au Japon, 90 % de notre viande de bœuf venaient des États-Unis, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. La quantité de bœuf japonais était trop limitée et réservée aux privilégiés, surtout le filet, le faux-filet et l’entrecôte. Le bœuf était un mets de luxe à Kyoto, consommé en compagnie de geisha, dans des steakhouses dédiés aux privilégiés.
L'entrepreneur Takeshi Shimoda,
dans la cave à vin de Wagyu Restaurant 1129 à Paris.
Est-ce toujours un mets de luxe au Japon ?
Oui, aujourd’hui les steakhouses au Japon sont encore fréquentés par des personnes privilégiées car les menus coûtent entre 600 et 700 euros.
« Au Japon, l’accès à ces adresses est limité. Il faut souvent être recommandé par un autre client. »
C’est donc une version très différente du steakhouse américain tel qu’on le connaît ici, où ces restaurants proposent des quantités importantes de viande et une ambiance plus familiale.
Exactement. Au Japon, l’accès à ces adresses est limité. Il faut souvent une invitation ou être recommandé par un autre client pour pouvoir s’y rendre. Si je ne connais personne, je ne peux pas simplement appeler et réserver une table. C’est un peu comme un club privé. En général, il n’y a que 6 à 8 places dans chaque restaurant.
Est-ce un concept difficile à importer en France ?
Ici, à Paris, lorsque l’on pense aux restaurants japonais, on imagine des restaurants de sushis. Le steakhouse est un établissement différent, de haute gastronomie, comme on peut en retrouver dans la culture française. Dans un premier temps, nous avons ouvert un restaurant classique dans le 2e arrondissement. Avec le Covid-19, nous avons dû fermer notre établissement au public mais nous avons continué à proposer des menus à emporter. Nos clients français demandaient des menus à base de viande, avec du wagyu du Japon. C’est en préparant ces bentos au wagyu, que nous avons eu l’idée d’ouvrir un second restaurant sur le modèle du barbecue japonais. C’est ainsi que nous avons ouvert le restaurant rue du Louvre, avec un comptoir au sous-sol. Il ne nous manquait qu’un chef !
Est-ce difficile d’importer de la viande du Japon en France ?
C’est très compliqué. Au Japon, il y a 13 entreprises qui exportent vers les pays de l’Union européenne. J’avais des contacts dans l’usine de la préfecture de Gunma, dont je suis originaire. Ils n’avaient pas les permis nécessaires pour exporter en France, donc on a dû tout faire ensemble.
« La langue de bœuf est proposée dans les steakhouses de Kyoto. »
Quelle est la différence entre le bœuf wagyu et celui de Kobe ?
Kobe est le nom de la ville dont provient la viande. Le bœuf wagyu est définit par sa génétique, 100 % japonaise. Il existe ensuite le wagyu noir, qui représente 80 % de la production, le rouge, le tankaku (avec de petites cornes) et le mukaku. Les massages, la bière ou ce qu’on leur fait manger ne rentre pas en compte dans l’appellation « wagyu ». Les éleveurs peuvent leur donner de l’herbe, du miso séché ou encore du riz. En France, les vaches sont souvent élevées en plein air, alors qu’au Japon nous les élevons en intérieur.
Takeshi Shimoda et le chef Masahiro Ishida
du restaurant Steakhouse 1146 à Paris.
Vous proposez un menu avec de la langue de bœuf, une soupe de maïs ou encore une crème caramel. Est-ce typique du steakhouse japonais ?
C’est tout à fait habituel. La langue de bœuf est proposée dans les steakhouses de Kyoto par exemple. Concernant le maïs, nous réalisons une soupe lorsque la saison nous le permet, comme au Japon. Et la crème caramel fait partie des desserts très répandus au Japon, mais sous une forme un peu plus gélatineuse que la vôtre !
« La culture à Paris est similaire à la culture japonaise, rythmée par les saisons, la gastronomie, l’histoire. »
Vous avez recruté un chef avec 22 ans d’expérience. Comment avez-vous convaincu Masahiro Ishida ?
Je suis allé dans son restaurant à Gunma il y a plus de 10 ans. C’était déjà un chef reconnu dans la préfecture. Ensuite, j’ai emménagé à Paris et je lui ai proposé de venir. Au début, il a dit non. Finalement, il a accepté, grâce à sa femme ! Je crois que la culture à Paris est similaire à la culture japonaise, rythmée par les saisons, la gastronomie, l’histoire.
Steakhouse 1146, 18 Rue du Louvre, 75001 Paris.
Menu découverte (10 plats), 330 € / personne.