Anne Tran, en route vers son rêve olympique

Par Cédric Callier
Photo de Yohan Nonotte/Badmintonphoto

Figure incontournable du badminton en France, Anne Tran, tout juste sacrée championne d’Europe en double avec sa partenaire Margot Lambert, veut briller lors des Jeux de Paris 2024.

C'est l'histoire d'une jeune fille, dénommée Anne Tran, et de son rêve de disputer un jour les Jeux olympiques. Un rêve qui lui est passé sous le nez à Tokyo, en raison d'un douloureux coup du sort. Alors qu'elle paraissait bien partie pour être de la fête en double dames, sa partenaire de l'époque, Emilie Lefel, était victime d'une rupture d'un tendon d'Achille fin octobre 2019. Une blessure lourde de signification pour une paire qui avait atteint le 18e rang mondial et conquit le titre de vice-championne d'Europe un an auparavant. Un rêve que même la crise sanitaire et le report des Jeux d'un an n’étaient pas parvenus à réanimer, le tandem n’accomplissant pas de miracle lors des ultimes tournois pour arracher sa qualification in extremis.

 

Avec un père entraîneur et une mère vice-présidente de la section badminton au Racing Club de France, elle pouvait difficilement se mettre au tennis de table.

 

À l’instar d'Emilie Lefel qui prenait sa retraite dans la foulée, l'histoire aurait pu s'arrêter là pour Anne Tran. Mais cela aurait été mal connaître la formidable résilience de cette jeune femme de 28 ans, déterminée à ne pas rater le rendez-vous parisien de 2024 ; elle qui est née à Neuilly-sur-Seine, d’une famille d’origine vietnamienne, avec pour ainsi dire une raquette de badminton à la main, en guise de doudou pour mieux dormir. En effet, avec un père entraîneur dans ce sport et une mère vice-présidente de la section badminton au Racing Club de France, elle pouvait difficilement déroger à la tradition familiale et se mettre au tennis de table.

« Faire du badminton n'était pas une obligation », nous confie-t-elle avec un sourire qui ne la quitte que rarement. « Mes parents ont toujours été très ouverts sur mes activités périscolaires. Ils m'ont laissé le choix. Après, comme mes parents baignaient dans ce sport, inévitablement, je l'ai été aussi, surtout que je nourrissais une compétition à distance avec une amie d'enfance. Tout cela a finalement rendu ce choix évident. »

 


La joueuse de badminton Anne Tran (à droite), en double avec Margot Lambert.

 

Ainsi, de ses débuts à l'âge de 6 ans jusqu'à ses 18-19 ans, en passant par son intégration à l'Insep en 2013, la jeune femme, boulimique de volants, dévore tout : simple, double mixte, double dames, tout y passe. Jusqu'à ce qu'elle décide de se concentrer sur le double, notamment féminin. Elle se souvient : « j'ai toujours eu une préférence pour cette notion de partage sur le terrain qui anime le double. C'est une discipline beaucoup plus explosive et rapide et cela me plaisait. Naturellement, je me suis dirigée vers ça et comme les résultats ont suivi, je ne suis jamais revenu en arrière. »

 

« En double, ne pas s'embrouiller demande beaucoup de travail »

 

Commencent alors diverses aventures pour elle, dont le caractère avenant et le sens de l'adaptation lui permettent de changer à plusieurs reprises de partenaires sans se perdre. Avec en point d'orgue, donc, cette collaboration brutalement interrompue avec Emilie Lefel en 2021. Point de départ, aussi, de sa paire avec Margot Lambert (25 ans). Deux jeunes femmes aux caractères bien distincts. « Je suis plutôt timide et réservée et Anne est plus extravertie », confesse Margot Lambert. « Cela se complète bien, mais cela peut aussi créer des mésententes parfois. » « Ne pas s'embrouiller demande beaucoup de travail », analyse de son côté Anne Tran. « Il y a des choses qui viennent naturellement, mais il y a aussi des aspects qui se travaillent car nous avons deux personnalités différentes. Il faut savoir se dire les choses de manière transparente, mais aussi bienveillante. C'est un équilibre à trouver qui demande de petits efforts de chaque côté pour trouver un fonctionnement qui convienne aux deux.»

 

« On a assumé notre statut, ce titre européen est la consécration de toute cette année. On a mis tout ce qu'on avait dans cette qualification olympique » 

 

Un équilibre qui a porté, petit à petit, ses fruits. Depuis le début de leur association, les deux badistes n’ont cessé de progresser dans le jeu, dans leur entente en dehors et aussi au classement mondial. Avec comme sommet récent leur conquête du titre européen à Sarrebrück, en Allemagne, le 14 avril, après une finale très disputée face aux sœurs bulgares Stoeva. « C'est incroyable, je ne réalise pas trop », confiait alors Anne Tran, qui était montée sur la troisième marche du podium un an auparavant. « On l'avait annoncé avant la compétition, on voulait aller chercher le titre. D’avoir réussi à le faire, c'est génial. On a assumé notre statut, c'est la consécration de toute cette année. On a mis tout ce qu'on avait dans cette qualification olympique. On en ressort vainqueures, c’est fantastique ! » 

 


La joueuse de badminton Anne Tran (à gauche), en double avec Margot Lambert.

 

 

Désormais 17es mondiales, les deux Françaises ont l’assurance de disputer les Jeux olympiques de Paris. Se qualifier, pour ensuite rêver d'une médaille olympique, qui serait une première dans l'histoire du badminton français ? « Sur des Jeux à domicile, tout peut se passer et nous avons déjà fait des matches très serrés contre le Top 5 mondial », lance Anne Tran. Vite rejointe par sa partenaire : « On rêve toujours d'une médaille, même si le niveau des paires japonaises, coréennes ou chinoises est incroyable. » « Au très haut niveau, les meilleures paires savent s’adapter et changer leur jeu très vite en cours de match quand elles constatent que quelque chose ne marche pas », ajoute Anne Tran.

Anne Tran sait bien qu’en sport tout demeure très fragile. « Cet épisode [la blessure de sa coéquipière avant Tokyo] a été dur mentalement mais cela m'a aussi beaucoup apporté », assure-t-elle. « Pour la qualification pour Paris, je me suis sentie beaucoup plus sereine. » Quant à la suite, cette diplômée en kinésithérapie assure qu'elle ne la connaît pas. « J'ai des petites idées, mais rien de concret », avoue-t-elle. « Je verrais où en sera ma motivation. Le plus important sera de m'écouter. »


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