Ryunosuke Naito, chef d'origine japonaise, et Kwen Liew, cheffe d'origine malaisienne, nous ouvrent les portes de leur restaurant Pertinence du 7e arrondissement parisien.
Avec une dizaine de couverts, une salle tout en blanc et en boiseries imaginée par l'architecte Gérard Ronzatti et une cuisine de proximité, Kwen et Ryunosuke ont époustouflé les inspecteurs du Michelin. Quelques mois seulement après l'ouverture de Pertinence, ils ont décroché en février 2018 l'étoile tant convoitée qui leur a mis — ils l'admettent volontiers — « un petit coup de pression ». Rencontre avec ces deux chefs pour retracer un parcours entièrement dédié à la gastronomie.
Restaurant Pertinence, 29 rue de l'Exposition, Paris 7.
Comment est née votre passion pour la cuisine ?
Ryunosuke Naito : D'origine japonaise, je suis en France depuis quatorze ans. Il se trouve que mes parents ont un restaurant de cuisine française à Nagano, au Japon. Je peux donc presque dire que je suis né dans une cuisine ! J'ai toujours entendu les bruits et senti les odeurs du restaurant.
Kwen Liew : Cela me vient de ma mère qui cuisinait beaucoup quand j'étais petite. J'ai toujours adoré manger !
Quand avez-vous décidé de venir vous installer en France ?
R. N. : Je suis arrivé quand j'avais dix-neuf ans, après le lycée. J'ai trouvé une école en France dans laquelle je pouvais venir directement du Japon pour apprendre la cuisine. Ensuite, je suis resté ici pour faire des stages.
K. L. : J'ai fait l'école de cuisine Cordon Bleu en Australie quand j'avais dix-huit ans. J'ai toujours eu en tête d'ouvrir mon restaurant et je savais que pour le faire il faudrait que j'apprenne la pâtisserie. Je suis donc venue en France pour étudier à l'ENSP (École Nationale Supérieure de Pâtisserie) d'Yssingeaux.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
K. L. : À l'ENSP, j'ai fait un stage au restaurant Antoine à Paris, avenue de New York.
R. N. : Au même moment, j'étais sous-chef dans le même restaurant !
K. L. : Après le restaurant Antoine, je suis partie à Singapour. J'y ai travaillé dans un restaurant gastronomique avec un chef français. C'est avec lui que je suis revenue en France pour faire une formation de charcuterie.
R. N. : Et c'est à ce moment-là que nous nous sommes retrouvés. Nous avons pris un verre, avons parlé de nos projets. Un an plus tard, elle est revenue en France.
« Ce que nous préférons dans la cuisine française c'est la sauce. »
Comment est né le restaurant Pertinence ?
R. N. : Avant Pertinence, j'ai monté un projet, le Bistrot Alexandre III. Nous étions quatre associés. Kwen et moi avons fait un an et demi là-bas. C'était une très bonne expérience pour nous deux mais ce n'était pas exactement ce que l'on cherchait. Il fallait produire beaucoup en quantité. Cette expérience nous a donné envie de monter notre restaurant gastronomique. On a voulu aller vers la simplicité, la qualité et faire quelque chose seulement tous les deux.
K. L. : Un jour je lui ai dit « Je suis prête pour notre restaurant. Si tu es prêt aussi, on fonce ! »
Comment avez-vous trouvé l'harmonie en cuisine ?
R. N. : Nous avons beaucoup de goûts en commun. Nous aimons les mêmes produits. Par exemple, ce que nous préférons dans la cuisine française c'est la sauce. Pour nous c'est l'essence des plats. On soigne donc beaucoup cet élément.
Au restaurant Pertinence, une étoile au Guide Michelin.
Vous proposez une cuisine très française. Qu'avez-vous gardé de la cuisine traditionnelle de vos pays respectifs, le Japon et la Malaisie ?
R. N. : On a surtout apporté des techniques, des manières de cuisiner.
K. L. : L'idée est vraiment de rester sur une base classique de la cuisine française. Parfois on ajoute un produit, une épice, une technique, une manière de cuire, un aliment qui vient d'Asie.
« Si on a réussi à avoir l'étoile c'est parce qu'elle en fait plus que moi en cuisine, elle abat plus de la moitié du travail ! »
Vous avez une étoile au guide Michelin depuis 2018, moins d'un an après l'ouverture de votre restaurant. Comment avez-vous vécu ce moment ?
R. N. : Nous n’avons vraiment pas cherché cette étoile, ça a été une énorme surprise pour nous !
K. L. : Les personnes du guide Michelin sont venues chez nous la veille de l'annonce, pendant la mise en place. J'ai cru que c'était une blague ! On était très touchés.
Kwen, on a beaucoup parlé du fait que vous étiez l'une des rares femmes à décrocher l'étoile en 2018...
R. N. : On avait vraiment à cœur de le souligner parce qu'être une femme en cuisine c'est très difficile. Si on a réussi à avoir l'étoile c'est parce qu'elle en fait plus que moi en cuisine, elle abat plus de la moitié du travail !
K. L. (le coupe) : Arrête ! Mais il a raison, c'est assez difficile d'être une femme en cuisine. On nous regarde souvent de haut. Il faut travailler plus que les hommes pour montrer ce que l'on vaut.
Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 8, novembre/décembre 2018.