Qui est Claire Tran, actrice dans la série I3P sur TF1 ?

Par Marie Nahmias
Photo de Mathieu Aghababian

Rencontre parisienne avec la comédienne et danseuse Claire Tran qui joue aux côtés de Marc Lavoine dans I3P sur TF1. 

Solaire et persévérante, cette Franco-britannique d’origine vietnamienne a fondé une association qui défend une parentalité égalitaire. Nous l'avons rencontrée en 2020. 

D’un entretien avec Claire Tran ressort l’étrange sensation d’avoir conversé avec une vieille connaissance. Le contact est facile et le vouvoiement ne tient pas la route très longtemps. Un regard avenant combiné à un sourire extra large lui suffisent à instaurer une atmosphère de bienveillance. « Claire est une personne très ouverte aux autres, nous confirme sa sœur Céline Tran. Avec elle, il y a tout de suite un lien qui se crée. » Lorsqu’on retrouve la comédienne, emmitouflée dans une épaisse veste rouge en velours côtelé, un bonnet enfoncé sur la tête, elle nous conduit dans une librairie indépendante du deuxième arrondissement de la capitale. Les lieux, qui abritent un café, lui sont familiers : « J’y étais pas plus tard qu’hier », lâche-t-elle en passant le pas de la porte. Ses derniers achats ? Des livres pour son fils d’un an et demi. Mais attention, pas n’importe lesquels ! Pour la trentenaire, il est important de veiller le plus tôt possible aux représentations. De genre notamment. Claire Tran les combat avec ferveur depuis juillet 2019, date à laquelle elle a cofondé l’association Parents & Féministes qui oeuvre pour une parentalité égalitaire. « Personne ne prévient les femmes de la difficulté d’être mère, de l’isolement que cela peut représenter, explique Claire Tran attablée au milieu de tous ces ouvrages, une tasse de café entre les mains. Les injonctions sont nombreuses, on leur demande d’assurer sur tous les fronts, d’être des mères parfaites. C’est beaucoup de pression sociale ! »

 

Claire Tran, actrice dans I3P sur TF1. 

 


La maternité comme éveil au féminisme
Après la naissance de son fils, la comédienne réalise en effet avec colère que l’égalité est loin d’être acquise au sein du couple et que le rôle des pères est bien trop souvent relégué au second plan, alors que la responsabilité de l’enfant incombe aux femmes. « Et encore, je pense avoir été bien lotie, car mon compagnon a beaucoup été à mes côtés. Mais je me suis demandée : comment font celles dont les conjoints n’ont que onze jours de congé paternité ?, s’exclame-t-elle, les sourcils en accent circonflexe comme pour souligner ses propos. Je dis souvent que je suis devenue féministe en devenant mère. Avant cela, j’étais contre les discriminations bien sûr, j’avais une idée de ce qu’était le féminisme, avec les combats et les acquis sociaux des années 1970, mais je ne m’identifiais pas vraiment. » En parlant des difficultés qu’elle rencontre autour d’elle, elle appréhende alors l’ampleur du phénomène. Mais l’envie de s’engager, de faire bouger les lignes survient en écoutant un podcast. « Je lui ai fait découvrir l’épisode 4 d’Un podcast à soi qui s’appelle « Papa où t’es ? » [Un podcast de Charlotte Bienaimé sur les questions féministes et de genre, produit par Arte Radio, NDLR] raconte sa sœur. Je me suis reconnue dans ce document et je lui ai envoyé en pensant que ça allait trouver un écho chez elle. » Dans le mille ! Claire confie avoir eu un « déclic » à ce moment-là. Elle commence à se renseigner et entre en contact avec celle qui deviendra la présidente de l’association. « La démarche a été assez fulgurante, poursuit Céline Tran. J’étais très contente de voir que, comme à son habitude, elle était proactive. » Porte-parole de l’association, Claire Tran consacre une grande partie de son temps aux « chantiers » menés par Parents & Féministes. L’organisation met en place des groupes de parole (mixtes et non-mixtes) pour donner des billes aux jeunes parents, notamment pour prévenir l’isolement des mères et faire de la prévention sur la santé physique et psychique. Des conférences et des ateliers autour de thèmes spécifiques comme le congé paternité sont également en train de voir le jour. Parents & Féministes tient enfin à faire émerger un débat politique sur la parentalité égalitaire. « Cette association est devenue un sujet quotidien pour Claire, une de ses activités principales, ça l’anime énormément, rapporte sa sœur. En réalisant des interviews, en faisant jouer son réseau, elle fait briller la structure. Elle prend son rôle très au sérieux. »

Après la naissance de son fils, la comédienne réalise avec colère que l’égalité est loin d’être acquise au sein du couple et cofonde l’association Parents & Féministes qui oeuvre pour une parentalité égalitaire.


« Claire est extrêmement pointilleuse »
À l’affiche de Sils Maria, Lucy, Valérian et la Cité des mille planètes et La Grande Classe, la jeune femme a pour habitude de beaucoup s’investir dans ce qu’elle entreprend. Comme pour la web-série La vraie vie des danseurs, coréalisée avec son ami Florent Cheymol, qui compte plusieurs dizaines de milliers de vues sur YouTube. On y retrouve l’actrice, tantôt en position du grand-écart, tantôt chez l’ostéopathe, en train de tourner en dérision le quotidien des danseurs. Avec beaucoup d’humour et une simplicité attachante, les deux acolytes parodient la routine et le vocabulaire propres à ce milieu. « C’est Claire qui la première a pensé à ces vidéos, explique Florent Cheymol. Nous étions sur une production au théâtre des Champs Elysées, et nous nous sommes dit que notre manière de faire, de parler était quand même assez bizarre. Elle a lancé l’idée : il faudrait qu’on se filme, il y a un truc à faire ! » Au moment du tournage toutefois, pas question de se lancer à moitié et de prendre les choses à la légère. « Elle est extrêmement pointilleuse, c’est une personne vraiment organisée dans le travail, témoigne son ami. Quand nous nous mettions en scène, c’était clairement elle la plus sérieuse. »

Cet amour du travail bien fait, Claire Tran le cultive depuis son plus jeune âge. Fille de deux journalistes, une mère française et un père britannique né à Saigon au Vietnam, elle commence la danse classique à l’âge de trois ans. Rapidement, elle décide qu’elle en fera son métier. Son rêve : devenir danseuse étoile. Après avoir déménagé à Paris, encouragée par des professeurs, elle démarre en CM2 un parcours sport études, avec des horaires aménagés pour pouvoir s’entraîner quotidiennement. Mais son arrivée dans l’Hexagone n’est pas évidente. « Je ne parlais pas du tout français, se remémore Claire Tran en jouant avec le pendentif de son collier. J’ai dû prendre des cours pendant un an. » Son acclimatation s’opère au travers de la danse. « Je parlais danse, je mangeais danse, je respirais danse. C’est vraiment ce qui m’a permis de tenir le cap. Grâce à la pratique, j’ai pu observer une continuité entre Londres et Paris et me faire des amis. » Sa passion est telle que lorsque son père est muté au Royaume-Uni, l’adolescente tient à rester pour poursuivre son parcours, quitte à être séparée de sa famille. « Elle devait avoir treize ou quatorze ans, se rappelle sa sœur. Elle a voulu rester dans le système sport études et a été placée dans un foyer pour jeunes filles. Nous sommes finalement revenus au bout de quelques mois, mais cela montre la mesure de son engagement. »

« Quand on passe toute la journée devant un miroir, avec un professeur qui vous reprend sans cesse, ce qui fait la différence, c’est le mental, de savoir naviguer au milieu de la concurrence. »


« J’ai sauvé ma peau »
Au sein de cette atmosphère feutrée, la passionnée se confronte à la rudesse de l’enseignement, à la compétition, au culte du corps parfait. L’excellence se mêle à une quête effrénée de la perfection. Du Conservatoire régional, elle passe à l’âge de quinze ans au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Commence alors une désillusion. « Le niveau n’était clairement pas le même, il y avait beaucoup plus d’exigences. Je me trouvais moins bonne que mes camarades, explique la comédienne. Quand on passe toute la journée devant un miroir, avec un professeur qui vous reprend sans cesse, ce qui fait la différence, c’est le mental, de savoir naviguer au milieu de la concurrence et du regard des adultes. » Du mental, elle en a fait preuve le jour où le directeur de l’école lui annonce, après une blessure et un redoublement, qu’elle ne deviendra pas danseuse classique et qu’elle ferait mieux de s’orienter vers le contemporain. Ce qu’elle décide de faire. Dans le documentaire Comme ils respirent réalisé par Claire Patronik, qui raconte le quotidien de danseurs professionnels, Claire Tran revient avec beaucoup de tendresse et d’émotion sur cette période de sa vie. « À l’époque, j’avais l’impression qu’on me forçait, mais au final, c’était un choix et un bon choix, confie-t-elle les larmes aux yeux. Rétrospectivement, c’est le meilleur truc qui me soit jamais arrivé (…) J’ai sauvé ma peau, en fait, parce que danseuse classique, ce n’était pas vraiment possible. Enfin, j’aurais pu devenir une très bonne mauvaise danseuse classique, une danseuse de corps de ballet qui en chie toute sa vie pour fermer sa cinquième et faire le poids idéal. »

Exit donc le « leurre » de la danseuse étoile. Après avoir tracé son chemin en danse contemporaine, où elle performe, notamment auprès de la chorégraphe Marie-Claude Pietragalla, elle se dirige timidement vers le cinéma. « Au début, c’était mon jardin secret. Je tournais dans des petits films, des courts-métrages, mais j’en parlais très peu. » Par peur de décevoir, de ne pas être prise au sérieux. « Ma carrière en danse rassurait ma famille, mon entourage, mais bon, on ne fait pas son métier pour faire plaisir aux autres », lance-t-elle en s’effaçant presque entièrement derrière un nouveau sourire. En 2013, elle décroche son premier rôle au cinéma dans Les Salauds de Claire Denis, puis la comédienne se fait repérer dans Sils Maria d’Olivier Assayas, où elle joue aux côtés de Juliette Binoche. Aujourd’hui, quand on lui demande ce qu’il reste de la danseuse dans son jeu d’actrice, Claire Tran prend le temps de trouver ses mots : « Elle est toujours là, elle converse avec la comédienne. Parfois, cela me dessert, m’empêche de me laisser aller, car je veux garder le contrôle sur mon corps. Mais en même temps, cela me permet de partir du principe que ce ne sera pas facile. Cela me rend plus endurante. »

Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 15, janvier-février 2020


Article précédent Article suivant

Récents