Les mille facettes de Diem

Par Pauline Le Gall
Photo de Sebastien Tabarin

Révélée dans l'émission The Voice en 2015, Diem a tenu son premier grand rôle au cinéma dans Le Flic de Belleville de Rachid Bouchareb.

« Je n'ai pas envie de me dire que parce que je suis une femme asiatique je dois être docile ou sage » lance Diem dans un grand sourire quand on évoque la différence entre cette jeune femme brune, naturelle et simple qui nous reçoit à sa table et sa personnalité de scène à la fois sensuelle, pleine de rage et de douceur, à l'image de la prestation qui l'a fait connaître en 2015 dans l'émission The Voice. Elle était alors passée d'un chant doux au piano à un rap électrisant en une seconde sur le titre Can't Hold Us de Macklemore. Diem cultive ainsi avec bonheur ses alter ego.

 


La chanteuse et comédienne Diem. 



Tout dans son éducation la poussait pourtant à rentrer dans les rangs. Elle ne veut pas nous dévoiler son âge, expliquant en riant qu'elle aime entretenir le mystère, mais parle volontiers de son enfance « très vietnamienne ». « J'ai été élevée dans des valeurs très traditionnelles, estime-telle. Il fallait être poli, dire merci, être discret et réussir à l'école. » À la maison, on lui parle vietnamien mais à l'école ses parents lui donnent un prénom français et la poussent à s'adapter. Issue d'une lignée de femmes de caractère, elle ne se laisse pas pour autant faire. « Quand j'avais 4 ans, je me plantais devant la télé allumée pour chanter et que tout le monde m'écoute » se souvient-elle. Sentant la fibre artistique de leur fille, ses parents l'inscrivent aux cours de piano et de danse.

 

« Mes parents n'étaient pas ravis que je veuille être une artiste. Ils avaient peur qu'en tant qu'asiatique je sois moins acceptée »

 

Elle rejoint plus tard le Conservatoire de Versailles en horaires aménagés. À l'adolescence, Diem commence à développer d'autres intérêts, notamment pour le rap... de Missy Elliot et Snoop Dog, à mille lieues  des gammes qu'elle répète au piano, et surtout pour le cours Florent qu'elle intègre au lycée. « J'ai tout de suite su que c'était ce que je voulais faire, raconte la jeune femme avec enthousiasme. Inconsciemment, je voulais déjà être une artiste, mais ça s'est vraiment concrétisé à ce moment-là. »

 

L'artiste Diem.



Des portes de casting fermées au télé-crochet
Pour faire plaisir à sa famille, elle suit des études de management. « Mes parents n'étaient pas ravis que je veuille être une artiste, explique-elle. Ils avaient peur qu'en tant qu'asiatique je sois moins acceptée. Pour avoir un rôle au cinéma, il faut que ton personnage puisse avoir une histoire qui colle avec ta couleur de peau. »

Les premiers castings de la jeune femme leur donnent raison. Les rôles proposés, de prostituée de Belleville à serveuse dans un restaurant chinois, sont souvent secondaires. En marge des castings, elle décide alors de cultiver son autre passion : la musique. Diem ne veut pas attendre que les mentalités des producteurs de cinéma changent pour être dans la lumière. Avec quelques instruments, un compte Myspace et ce sens du travail acharné qui ne l'a jamais quittée, elle lance ses propres projets.

 

 

 

Une de ses vidéos, où elle reprend une musique de Booba au piano, circule sur Internet. La télé-réalité la repère. Contactée par Rising Star et The Voice, elle passe finalement le casting de l'émission de TF1. Ses prestations toujours inattendues, calmes ou complètement déjantées, lui ouvrent les portes du concours. « C'est vraiment une expérience impressionnante qui sert à tester ses limites » analyse Diem.

La chanteuse a toujours un temps d'avance et dès qu'elle quitte l'émission, elle enchaîne les projets. Avec ses deux acolytes Besar Likaj et Sébastien Fouster, elle lance son premier clip Here You Gun, une enquête bourrée d'indices dans laquelle elle joue tous les rôles. Malgré le petit budget, le son et le visuel sont à la mesure de l'ambition de la chanteuse. En riant, elle nous explique qu'elle est peut-être « un peu mégalo » mais que ce qui est à sa portée ne l'intéresse pas.

Des planches de théâtre au grand écran
Côté cinéma, Diem trouve toujours que les choses « avancent un peu lentement », mais les lignes semblent bouger doucement. En octobre 2018, elle tenait le rôle au cinéma de la petite amie d'Omar Sy dans Le Flic de Belleville de Rachid Bouchareb. L'année d'avant, elle a rejoint pour quelques épisodes la série Plus belle la vie. « J'ai passé le casting avec des blondes aux yeux verts, s'amuse-t-elle. Ça change ! »

En 2018, Caroline Guiela Nguyen lui a offert le rôle de Linh pour la tournée de sa pièce SAIGON en Chine. Lorsqu’elle en parle, Diem prend soudain un ton plus solennel, on sent que le texte a touché une corde sensible. « Ce sont des rôles très difficiles, explique-t-elle, parce qu'on porte l'histoire du Vietnam. On doit vraiment être à la hauteur du pays. » Après l'avoir vue déterminée, enjouée, rieuse, pleine de projets, engagée... une nouvelle facette de l'artiste émerge.

Pour terminer, elle nous fait écouter sa chanson, Sam, un cri d'amour déchirant. Pour le clip, elle est allée tourner la suite de son enquête en Albanie en plein mois de décembre, immergée dans des eaux glaciales. Parce qu'elle trouvait ça beau et que pour elle, l'art vaut bien tous les sacrifices.

 

Photo : Thomas Braut

 

Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 7, septembre/octobre 2019


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