Ninh Binh, la quiétude du Nord Vietnam

Par Pandou Media

Promenade au nord du Vietnam, dans la province de Ninh Binh, au sud de Hanoï. Taux d’humidité : 90 %. Probabilité d’émerveillement : 100 %.

Comme chaque matin, il fait tiède et humide à Hanoï. Il est huit heures et la capitale du Vietnam est déjà grouillante de scooteurs et s’ébroue au son de leurs klaxons. Ses sept millions d’habitants vont et viennent sur ses larges boulevards, se pressent autour du lac arboré de Hoan Kiem et les pagodes s’éveillent doucement. Contraste saisissant avec la région que l’on vous invite à visiter. À deux heures de route en voiture, au sud de cette ville surpeuplée, s’étend la province calme de Ninh Binh dont la population ne dépasse pas le million d'habitants, répartis en plusieurs groupes ethniques. Son patrimoine et ses paysages en font une destination très appréciée des touristes de passage à Hanoï qui veulent se « mettre au vert ».

 

La vue est dès le début imprenable, sur des roches déchiquetées, aux sommets recouverts d’une végétation éparse.

 

Ninh Binh est principalement connue pour servir d’écrin à ce que l’on surnomme la « Baie d’Halong terrestre » du Vietnam : un paysage aquatique ponctué de pains de sucre tombants à pic dans la rivière. Tam Cốc et ses grottes sont ainsi considérées comme étant l’un des plus beaux paysages du pays, aujourd’hui mieux conservé que la légendaire descente du dragon, à l’est de Hanoï. Elle a notamment abrité une partie du tournage du film Indochine, de Régis Warnier (1992), rendant ses paysages encore un peu plus célèbres.

 

Ninh Binh, surnommée la « Baie d’Halong terrestre » du Vietnam

 

Ainsi, Tam Cốc constitue une destination de visite pour de nombreux touristes européens, japonais ou coréens, qui se pressent vers ses embarcadères à la découverte d’une rivière glissant entre des géants de pierre. Cette dernière, Ngo Dong, traverse le village et renvoie le reflet des petites maisons bétonnées qui encerclent les quais. Ici, des dizaines de barques attendent leurs passagers, facturant la promenade d’une heure et demie sur l’eau d’une quinzaine d’euros.

Le Mont Hua, dont l’ascension se fait en une trentaine de minutes, après avoir gravi ses plus de quatre cents marches, permet de prendre un peu de hauteur pour admirer d’une vue panoramique ces falaises somptueuses. De là haut, on se rend vraiment compte de la taille des blocs de pierre et de la démesure des lieux.

Patrimoine mondial de l’Unesco
Aux alentours, la pagode de jade, Bich Dông, fait également partie de ce que l’on appelle le « complexe paysager de Trang An », inscrit depuis 2014 au patrimoine mondial de l’Unesco. « Un spectaculaire paysage de pitons karstiques sillonné de vallées, pour certaines immergées, et encadré de falaises abruptes, presque verticales, peut-on lire sur le site de l’organisation des Nations unies. Le bien comprend aussi Hoa Lư, l’ancienne capitale du Viet Nam aux Xe et XIe siècles, ainsi que des temples, des pagodes et des paysages de rizières, de villages et de lieux sacrés. » Construit au XVIIIe siècle, ce bâtiment religieux dont une des parties se trouve dans une grotte, est édifié à flanc de montagne.

 

Ninh Binh, au Nord Vietnam.

 

Au sein du complexe paysager de 6 226 hectares, se dresse également l’ancienne capital Hoa Lư, dont le temple du roi Đinh Tiên Hoàng en est le plus beau vestige, à l’ombre d’arbres centenaires et entouré de jardins fruitiers. Celui du roi Lê Đại Hành se situe juste à quelques centaines de mètres de là, sur l’ancien emplacement du palais royal. 

Tout mettre sur « pause » à la baie sans vague
Il n’est pas nécessaire d’aller trop loin pour s’échapper de ces chemins touristiques. À une vingtaine de kilomètres de Tam Cốc, se niche Van Long, surnommée « la baie sans vague », bien plus sauvage et préservée, abritant la plus grande réserve naturelle du Nord du Vietnam. Après un chemin de campagne entre les rizières, la voiture s’arrête tout proche d’un quai quasiment vide. Quelques chaloupes en bois flottent à fleur d’eau tandis qu’une rameuse s’avance. Seules deux personnes peuvent l’accompagner sur cette embarcation, qu’elle fera avancer en poussant les rames avec ses pieds !

 

Elle ralentit en s’approchant d’un pic. La partie basse de ce géant semble avoir été grignotée par l’eau. Une mince ouverture laisse passer le bateau, qui se glisse à l’intérieur.

 

Étonnante manière de ramer aux yeux des Occidentaux, qui se révèle être particulièrement efficace. Contrairement aux départs de Tam Cốc, entourés de constructions, la vue est dès le début imprenable, sur des roches déchiquetées, aux sommets recouverts d’une végétation éparse. L’endroit semble encore préservé du tourisme. Seules les rames plongeant dans l’eau viennent interrompre le calme ambiant.

 

Les pics karstiques de Van Long

 

Le parcours aquatique serpente entre les pics karstiques, sur un miroir d’eau qui laisse à peine entrevoir quelques poissons sous la surface. Au sommet des blocs : une agitation. Deux petites formes noires et blanches se rencontrent. Il s’agit du langur de Delacour ; un singe en voie d’extinction. Ces animaux vivent en petit groupe, au nord du Vietnam uniquement. Le langur de Delacour fait partie de la liste des vingt-cinq espèces de primates les plus menacées au monde. Voir ce primate à la longue queue noire ici, en toute liberté, est chose rare. Pourtant, ce site qui s’étend sur plus de 3 000 hectares est devenu une zone d’accueil pour la faune, et notamment une halte privilégiée dans la migration hivernale de nombreux oiseaux.

Van Long n’a pas toujours été une région submergée. Elle l’est devenue à la suite de la construction, en 1960, d’une digue de plus de trente kilomètres sur la rivière Day. La rameuse continue son ballet avec ses pieds en laissant ses mains libres pour nous indiquer où poser nos yeux : ici quelques animaux qui crapahutent sur les roches, là des fleurs de lotus à la surface de l’eau accueillent une libellule ou encore un amas de roches en forme d’éléphant se dresse fièrement au sommet d’une crête.

Le calme et la plénitude du lieu nous envahissent. Elle ralentit en s’approchant d’un pic. La partie basse de ce géant semble avoir été grignotée par l’eau. Une mince ouverture laisse passer le bateau, qui se glisse à l’intérieur. Ces petites grottes sombres et fraîches ne sont éclairées que par l’eau qui y conduit la lumière extérieure et permet de découvrir la dentelle rocheuse qui pend au plafond. Les coups de rames y retentissent dans un écho. Sur le chemin du retour, quelques pêcheurs démêlent méticuleusement leur filet, debout en équilibre sur leurs barques.

 

Son architecture vietnamo-gothique dénote avec le paysage local,
évoquant à la fois une pagode et un palais impérial grâce à ses sculptures en dentelle

 

Les autres charmes de la région
Le chemin du retour, en voiture, retraverse les rizières. Ici, la majorité des familles vit de l’agriculture. Quelques touristes se mêlent aux locaux, sur leurs vélos, pour longer ces paysages verts où le taux d’humidité est très élevé et l’air lourd. À une trentaine de kilomètres, Phát Diệm, le plus grand ensemble architectural catholique du Vietnam, a survécu aux heures les plus sombres du pays. Construite à la fin du XIXe siècle sur une zone marécageuse asséchée puis valorisée, elle est l’oeuvre du Père Six. Son architecture vietnamo-gothique dénote avec le paysage local, évoquant à la fois une pagode et un palais impérial grâce à ses sculptures en dentelle. Depuis 1988, l’ensemble du site, comprenant une grande église, quatre chapelles, le campanile Phuong Dinh, un étang et trois grottes artificielles a été classé monument culturel et historique par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme. Le bâtiment principal, immense à l’échelle humaine, impressionne par sa taille et la couleur grise de ses murs faits de pierres.

 


A l'intérieur de la cathédrale de Phát Diệm, au Vietnam. 

 

Ce jour-là, à l’intérieur, des religieuses se recueillent en silence, à genoux. Certaines entièrement vêtues de noir, d’autres, plus jeunes, tout en blanc. Dehors, de nombreux visiteurs, principalement vietnamiens, profitent du soleil pour faire quelques photos. Comme ces jeunes lycéennes qui demandent aux rares touristes de poser avec elles.

Sur le chemin du retour vers Hanoï, les montagnes paisibles s’éloignent pour nous laisser revenir à la frénésie des villes et reprendre la conduite « sportive » entre les scooters.

 

Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 5, mai-juin 2018.


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