Au Musée Guimet, rendez-vous à la cour du Prince Genji

Par Blanche Ribault
Photo de Benjamin Loembet

Dans son exposition À la cour du Prince Genji. Mille ans d’imaginaire japonais, le musée Guimet met à l’honneur Le Dit du Genji, roman emblématique de la littérature classique japonaise.

À l’entrée de l’exposition trône un immense Bouddha en bois sculpté. L’une des rares pièces de l’époque de Heian (794-1185) conservées au musée national des Arts asiatiques - Guimet. Comme pour souhaiter au visiteur la bienvenue dans une exposition centrée sur un ouvrage essentiel du Japon. Comme pour nous plonger dans la période à laquelle parut le célèbre Dit du Genji, roman écrit par la poétesse Murasaki Shikibu au XIe siècle, lorsque la littérature féminine émerge.

Les femmes aristocrates sont tenues à l’écart de la vie politique et sociale, mais sont en première ligne pour lobserver et la décrire. Elles ont une grande influence à la cour. Murasaki Shikibu, avec les poétesses Sei Shônagon et Ono no Komachi, devient l’une des trois figures littéraires les plus réputées de l’époque, produisant des oeuvres entre prose et poésie.

 

Le Dit du Genji narre la vie et les intrigues amoureuses du prince impérial Hikaru Genji qui ne peut prétendre au trône.

 

Parmi elles, Le Dit du Genji comptera 54 livres, 500 personnages et 800 poèmes. Il narre la vie et les intrigues amoureuses du prince impérial Hikaru Genji, qui ne peut prétendre au trône : un choix de son père après le décès de sa mère et des prédictions selon lesquelles le pays serait plongé dans le chaos si le Genji accédait au trône. Grâce à son sens aigu de l’observation, l’autrice y émet de profondes réflexions sur l’amour et la société japonaise.

 

Exposition À la cour du Prince Genji, au musée Guimet

 

Divers objets sont exposés : coffrets en laque japonaise ayant appartenu à Marie-Antoinette représentant des décors de l’époque de Heian, boîte à miroir ou plateau décorés de scènes du roman.

Mais c’est cet immense palanquin japonais, datant de la période d’Edo et à l’intérieur tapissé de papier illustrant des scènes issues du livre, qui suscite l’admiration des visiteurs. Sont aussi exposées des estampes (y compris parodiques) s’inspirant de ces intrigues.

 

Exposition À la cour du Prince Genji, au musée Guimet

 

Puis nous voilà soudain propulsés dans le temps en entrant dans une salle recouverte, au sol comme aux murs, de planches de manga. Car les mangakas, à l’instar des cinéastes, comédiens et musiciens, se sont pris de passion pour l’ouvrage.

 

Les mangakas se sont pris de passion pour l’ouvrage.

 

Leur simplification narrative et leur style donnent une vision renouvelée de l’intrigue et de son imaginaire. Le plus connu, Asaki yume mishi de Waki Yamato, paraît dans les années 80 et se vend à des millions d’exemplaires. Inko Ai Takita et Sean Michael Wilson publient également le Dit du Genji pour en livrer leur adaptation, tout comme la mangaka Harumo Sanazaki, qui expose ses planches originales aux tons pastel réalisées en 2023. Le réalisateur Gisaburo Sugii lui adapte le roman en anime en 1987.

 

Exposition À la cour du Prince Genji, au musée Guimet

 

Est enfin introduite l’une des figures centrales de l’exposition : Maître Itarô Yamaguchi (1901-2007). Né dans une famille de tisseurs de soieries à Kyôto, il commence très jeune à tisser sur un métier à mécanique Jacquard. A l’âge de 70 ans, il décide de « laisser un chef-d’oeuvre qui serait la concrétisation des plus hautes qualité et technicité atteintes dans l’utilisation du métier Jacquard » pour aller à l’encontre des métiers industriels qui, selon lui, freinent l’imagination.

 

Trônent, en fin d’exposition, les quatre immenses rouleaux du maître tisserand Itarô Yamaguchi.

 

Il reproduit alors les rouleaux illustrant des scènes tirées du Dit du Genji peints 100 ans après sa parution, considérés comme trésor national au Japon puis consacre les 37 dernières années de sa vie à ce travail dont il fera la donation au musée Guimet dès 1995. Trônent ainsi, en fin d’exposition, les quatre rouleaux du tisserand. Grandioses.

Au total, près de trente mètres de soie et de fils. Les plus longs rouleaux jamais tissés racontant les aventures du Genji. « C’est fascinant » : plongés dans les scénettes et dans la calligraphie, les regards des visiteurs s’agrandissent. Comme pour y absorber toute la lumière de ces centaines de couleurs de fils entremêlées.

 

 

À visiter jusqu’au 25 mars 2024 au musée Guimet.


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