Accord UE-Chine : pourquoi a-t-il été suspendu ?

Par Sophie Kloetzli

Signé en décembre 2020 après sept ans de négociations, le processus de ratification de l’accord commercial entre la Chine et l’Union européenne a été mis en pause le 4 mai par la Commission européenne. Chercheuse Chine à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, Camille Brugier nous explique les objectifs de ce traité et pourquoi il pourrait ne jamais voir le jour.
[Texte : Sophie Kloetzli - Photo : 
Flickr-Friends of Europe]

Quels sont les objectifs de cet accord ?

Cet accord est censé réguler les investissements de l’Union Européenne en Chine et de la Chine dans l’UE. Pour l’UE, l’intérêt premier est d’obtenir des accès aux marché chinois, car la Chine, en l’état, réduit de façon de très importante l’accès aux marchés publics. Cela veut dire que les entreprises européennes ne peuvent pas concourir pour obtenir la construction d’une ligne TGV, par exemple. Quant à la Chine, cet accord lui permettrait d’investir plus facilement en Europe. Aujourd’hui, ses projets d’investissement sont soumis à des négociations parlementaires et comme les opinions publiques ne sont pas forcément favorables, bon nombre de projets tombent à l’eau. La Chine a donc tout intérêt à ce que ça soit fait au niveau européen car ça lui évite d’avoir 27 systèmes de régulation différents. Elle est notamment intéressée avec la nouvelle route de la soie à investir dans les infrastructures européennes. 

À l’origine, l’ambition européenne était que la Chine ratifie la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) avant la signature de l’accord, ce qui n’a pas été le cas. 

Pour quelles raisons le processus de ratification a-t-il été suspendu ?

Les relations avec la Chine ne sont pas au beau fixe. L’Europe ne peut ignorer la position de l’opinion publique qui se préoccupe en ce moment de la situation dans le Xinjiang et à Hong Kong. Il y a aussi une question légale : quand l’UE fait un accord important avec un pays tiers, une clause des droits de l’homme est potentiellement mise en place. C’était assez mou mais il était prévu dans le préambule de cet accord que les États prennent leurs propres initiatives pour renforcer le droit du travail. À l’origine, l’ambition européenne était que la Chine ratifie la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) avant la signature de l’accord, ce qui n’a pas été le cas. 

Quelle est la position de la France ?

Globalement, il est plutôt dans l’intérêt de la France de signer cet accord parce qu’elle a des entreprises présentes en Chine qui pourraient bénéficier de l’ouverture du marché. Cela dit, l’accord tel qu’il a été mis en ligne le 22 janvier n’est pas très concluant de ce point de vue : c’est assez flou, on ne sait pas exactement dans quels secteurs ces ouvertures de marché pourront s’appliquer.

Cet accord a-t-il des chances de voir le jour selon vous ou cette suspension va-t-elle dégrader encore davantage les relations diplomatiques ?

Je pense que le communiqué du G7 [publié le 5 mai, il appelle la Chine à « respecter les droits de l'Homme et les libertés fondamentales » au regard de la situation à Hong Kong et dans le Xinjiang, NDLR] est beaucoup plus délétère que la non-ratification de l’accord. Finalement, l’intérêt de la Chine dans cet accord était aussi symbolique dans le sens où cela lui permettait de montrer que malgré ses difficultés avec les États-Unis, elle a d'autres alliés commerciaux. Le fait que l’accord ait été signé lui a déjà permis d’en tirer des profits symboliques. 

Étant donné les procédures de ratification et ce gros problème de valeurs avec la Chine, je ne vois pas très bien comment cet accord pourrait passer au niveau du Parlement européen.


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