Alors que le déconfinement approche, le secteur économique espère un retour de la consommation. Qu’en sera-t-il pour les entreprises chinoises installées en France ? Sur la fréquentation des petits restaurants ou l’image des grands groupes, quelles seront les répercussions de l’épidémie de Covid-19 ? Françoise Nicolas, chercheuse et directrice du Centre Asie à l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) nous répond.
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Nous avons constaté un fort impact du Covid-19 sur la stigmatisation des populations asiatiques en France dès la fin du mois de janvier. Qu’en sera-t-il pour les entreprises chinoises à la sortie du confinement ?
Si on en juge par le comportement de certaines personnes avant que la crise ne se déclenche, on peut avoir quelques craintes, avec notamment une sorte d’ostracisation de certaines entreprises. Je fais allusion à la restauration asiatique dans le 13e ou le 19e arrondissement de Paris. Il y a des gens qui hésiteront ou même, de manière délibérée, éviteront d’y aller.
Quid des grandes entreprises chinoises installées en France, comme Huawei ou Xiaomi, alors même que la reprise en Chine semble encore difficile ?
On peut craindre que l’image de la Chine ne sorte dégradée de cette histoire. Au démarrage, nous avons vu une manifestation de solidarité des Français à l’égard des Chinois en plein cœur de la crise, fin janvier-début février, avec des déclarations, l’envoi de matériel etc. Une fois que la vague est arrivée chez nous, nous avons eu de manière réciproque des manifestations de solidarité. Tout partait sur de bonnes bases et puis patatras, nous avons eu cette grand opération de communication lancée, je suppose, par le pouvoir central chinois pour dérouler son narratif et faire passer la Chine comme modèle de gestion de la crise. Cela étant, il oublie certains détails sur le timing et surtout, dans la foulée, attaque de manière frontale et infondée les Français et les Occidentaux de manière générale. Je fais référence aux attaques de l’ambassadeur de Chine en France. J’estime qu’il y a eu un gros couac de la part de Pékin. Ça a fait grand bruit, assez pour qu’un certain nombre de gens soit conscient de cette campagne qui va se révéler contre-productive. Pour ce qui concerne les entreprises, cela peut faire pencher la décision des autorités françaises vers une interdiction du déploiement de la 5G par Huawei. Pour l’instant, le gouvernement français était attentiste. On ne savait pas trop s’il voulait le bloquer ou non, la décision n’était pas prise. Ce qui est à craindre pour les Chinois est que la décision penche du mauvais côté.
De nombreuses entreprises françaises pensent également à relocaliser. Faut-il le voir comme une crainte vis-à-vis de la production chinoise ?
On s’est rendu compte qu’on est allé trop loin dans la sous-traitance. Quand la Chine est le seul producteur de certaines pièces détachées ou composants et qu’elle s’arrête, tout s’arrête. Il faut diversifier les sources d’approvisionnement. Ce n’est pas antichinois, c’est simplement pour essayer de réduire la vulnérabilité des chaînes de valeur.
Où en est l’importation aujourd’hui ?
Je suis sceptique quant aux annonces selon lesquelles l’économie chinoise reprend du tonnerre. Apparemment, la consommation en Chine est très molle et la Chine dépend en partie des exportations, or, les gros marchés européen et américain sont plus ou moins à l’arrêt.
Les consommateurs vont-ils bouder les produits chinois ?
Est-ce que les consommateurs vont se mettre à acheter des Samsung plutôt que des Huawei ? Je ne sais pas. Je ne sais pas à quel point la dégradation de l’image de la Chine a percolé dans la population. Je ne suis pas sûre que le consommateur lambda s’arrête de consommer chinois, car ce qu’il regarde en premier c’est le prix. On l’a déjà vu dans le passé. Ceux qui râlent contre les Chinois sont les premiers à acheter les produits pas chers venus de Chine. Il y a un peu une incohérence.