Le réalisateur Kim Chapiron, en 5 questions

Par Anthony Cheylan
Photo de Georges Biard

Depuis 20 ans, le réalisateur Kim Chapiron dynamite les écrans. Membre fondateur du collectif artistique Kourtrajmé, il sort « Le jeune imam ».

Si vous étiez un morceau ?
Melocoton , de Colette Magny. Le refrain fait : « Donne-moi la main... Pour aller où ?/ J'en sais rien, viens... » J’ai l’impression de vivre ces paroles tous les jours. Et il y a aussi l’idée de famille et de bande dans cette chanson : « Papa il a une grosse voix, Mémé elle rit souvent... » Ça me parle beaucoup.

 

Le réalisateur Kim Chapiron

 

Si vous étiez une provocation ?
Je serais une des oeuvres de l’illustrateur japonais Toshio Saeki. Je l’ai découvert via mon père [NDLR : l’artiste Kiki Picasso]. Ses images mêlent érotisme, humour et horreur. Saeki est un maître, j’adore son trait et les émotions qu’il procure.

Si vous étiez une série ?
Heimat – Eine deutsche Chronik, d’Edgar Reitz. C’est un film-série de cinquante-six heures qui suit un village allemand à différentes époques du XXe siècle. Le réalisateur y a consacré plus de trente ans de sa vie. On y voit les héros traverser le temps et vieillir, l’image alterne la couleur et le noir et blanc... Quand on est sensible à la mise en scène, à l’écriture et au montage, il y a dans Heimat un niveau d’excellence qui est bouleversant. La série twiste les émotions, on ne sait jamais s’il y a derrière une volonté philosophique, poétique ou historique... Je mets Edgar Reitz au même niveau qu’Ingmar Bergman, qui est mon metteur en scène préféré.

Vous étiez un compte Instagram ?
@iamthmpsn (I am Thompson). J’aime quand les images provoquent un joyeux trouble. Et c’est troublant de voir un mec qui joue du violon devant une naine et des cailleras couverts de tatouages ! Ce compte twiste les codes du rap mais, étrangement, tout reste harmonieux. Ce n’est jamais misérabiliste, les personnages sont tous charismatiques et sympas, on sent qu’ils s’amusent. Je trouve qu’Instagram est comme un trou de serrure : c’est une plateforme très voyeuriste. @iamthmpsn assouvit cette pulsion de façon très décomplexée et assumée, en le faisant bien. Et en plus, c’est de la bonne musique ! [rires]

 

« Même nos femmes et nos amis les plus proches ne l’ont jamais vu ! »

 

Si vous étiez une production de Kourtrajmé ?
Paradox Perdu. C’est le premier film que nous avons réalisé, Romain Gavras et moi, en 1994. Nous y jouons tous les rôles. C’est l’acte fondateur de Kourtrajmé — qui, à l’époque, s’écrivait avec un « C ». Il dure vingt minutes, nous ne l’avons qu’en VHS, il n’est disponible nulle part. Même nos femmes et nos amis les plus proches ne l’ont jamais vu ! Sur la jaquette, nous avions daté le film de 1998 pour faire comme s’il venait du futur. L’histoire ? Romain et moi avons accès à une drogue inconnue, et ce sont nos trips respectifs...

 Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 13, septembre/octobre 2019


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