Alphonse Areola, dans l'intimité du gardien de l’équipe de France

Par Julie Hamaïde
Photo de Darren Tsang

Sélectionné en équipe de France pour la Coupe du monde 2022, Alphonse Areola remet en jeu son titre, déjà obtenu en 2018 au poste de gardien.

Champion du monde en 2013 avec les moins de vingt ans puis en 2018 avec l’équipe de France de football, Alphonse Areola est désormais sous contrat avec le club anglais West Ham. C'est d'ailleurs à Londres que nous l'avons rencontré au printemps 2021, en famille. Ce gardien d’1,95 mètre, dont les parents sont arrivés en France des Philippines au début des années 1990, s’appuie sur un entourage solide qui le ramène à ses origines et s’affiche à ses côtés sur les réseaux sociaux. Il nous a ouvert les portes de son jardin, au propre comme au figuré.

Connaissez-vous l’histoire de votre famille, la manière dont vos parents sont arrivés en France ?
Mes parents sont venus il y a une trentaine d’années, via ma tante qui était déjà installée à Paris. Ma mère est arrivée la première, pour le travail, pour gagner sa vie et aider sa famille aux Philippines. Les démarches ont été facilitées grâce à ma tante.

Comment s’est passée leur installation ?
Ils en ont un bon souvenir avec une communauté philippine très présente à Paris qui, au fil des années, a créé plusieurs associations pour aider tous ceux qui étaient dans le besoin, que ce soit des personnes aux Philippines ou celles qui souhaitaient venir ici en France.

Vous êtes né en France, à Paris, peu de temps après l’installation de vos parents. Avez-vous grandi dans la double culture franco-philippine ?
J’ai vécu toute ma jeunesse dans cette double culture. Tous les jours à la maison nous parlions le tagalog [base de la langue philippine, NDLR]. Je le comprends et j’ai la chance de pouvoir le parler. Je dis « chance » car j’ai des amis philippins qui le comprennent mais qui ne le parlent pas. Cette culture philippine est très présente dans ma vie, jusqu’à aujourd’hui.

« Depuis mon plus jeune âge, tous les week-ends, c’était rendez-vous en famille à la Porte de la Muette ou dans un restaurant asiatique pour retrouver la communauté après une semaine de travail. »


Est-ce une langue que vous transmettez à vos filles ?
J’essaie. Nous avons beaucoup voyagé et avons choisi de les inscrire dans une école anglaise pour avoir cette base. Moi, je leur parle français, ma femme Marrion leur parle français et anglais. J’essaie, via mes parents et la mère de ma femme, de leur partager cette culture. Nous avons aussi de la famille à Londres, donc le tagalog se parle beaucoup autour d’elles.

On voit sur vos réseaux sociaux que votre famille est très présente, notamment sur vos photos de Noël où vous êtes des dizaines. C’est aussi ça la culture philippine, celle de la famille ?
Culture philippine ou même asiatique. J’ai des amis cambodgiens et thaïlandais qui eux aussi se réunissent en famille lors des fêtes. Depuis mon plus jeune âge, tous les week-ends, c’était rendez-vous en famille à la Porte de la Muette ou dans un restaurant asiatique pour retrouver la communauté après une semaine de travail.

Alphonse Areola entouré de sa femme Marrion
et de leurs filles, 
chez eux, à Londres. 


À six ans, vous intégrez votre premier club à Paris, juste en dessous de la Tour Eiffel. Lors d’un déplacement pour un match, le gardien de votre équipe ne peut pas jouer et vous vous portez volontaire pour le remplacer.  Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?

J’ai su que je voulais être gardien ce jour-là. J’ai voulu essayer pour m’amuser et je me suis plus qu’amusé ! Depuis ce jour, j’ai demandé à rester dans les buts. Je me sentais comme un « héros ». À cette époque, on jouait avec des cages de handball. J’étais déjà un peu plus grand que les autres, c’était assez facile. Ça m’avait plu d’être ce héros et qu’on mette en avant mes arrêts à la fin du match.

Y a-t-il justement un match qui vous a marqué plus que les autres ?
Mon premier match professionnel avec le Paris Saint-Germain. C’était au Parc des Princes. Le titre de champion de France revenait à Paris. J’ai eu la chance de jouer ce premier match officiel en Ligue 1. Pour l’anecdote, c’était aussi le dernier match de David Beckham. C’était mon premier et son dernier : un match qui restera dans ma tête. Au-delà du foot, David Beckham est une superstar. Le côtoyer au quotidien était incroyable, surtout pour moi qui venais d’un petit club à Paris. C’était exceptionnel de jouer dans le club de ma ville, avec lui. J’en ai profité au maximum. Tout le monde a célébré cette victoire.

En 2013, vous êtes sacré champion du monde des moins de vingt ans avec Samuel Umtiti, Paul Pogba ou encore Florian Thauvin. Quel souvenir gardez-vous de cette victoire qui vous a uni à cette génération de joueurs ?
Ce sont des choses qui restent gravées. Nous avons vécu des expériences incroyables, dès l’âge de quinze ans, en équipe de France : les sélections nationales, des moments clés dans nos carrières. Nous voulions marquer l’histoire du football car ce titre manquait au palmarès français. Les médias nous voyaient perdants et nous avons su inverser la tendance.

En finale, vous avez fait partie à nouveau des héros du match en arrêtant deux tirs au but.
C’est vrai, mais ce n’est pas que l’histoire d’un match mais de toute la compétition. Avant nous, il y avait une génération espoir qui n’avait pas une super image. Nous étions la génération d’après, nous devions montrer que les footballeurs n’étaient pas ce qu’on pensait. Nos joueurs jouaient déjà dans des top clubs. Sur le terrain, nous savions gagner les matchs importants. Tout au long de la compétition nous sommes montés en puissance. Nous avions été sifflés lors de La Marseillaise et finalement ça nous a galvanisés.

« Je crois que niveau émotion je n’ai jamais ressenti quelque chose d’aussi fort sur un terrain de foot que lors de la Coupe du monde de 2018. Je dis sur le terrain alors que j’étais sur le bord, mais partout la tension était au plus haut niveau. »


Une dernière date à évoquer avec vous : la descente des Champs- Elysées avec la Coupe du monde entre les mains, en juillet 2018.Qu’avez-vous ressenti ?
C’est une équipe qui était très attendue au tournant. Avec la qualité qu’il y avait, il fallait être à la hauteur. Nous avons joué le premier match contre l’Australie et nous sommes passés ric-rac. Tout le monde a commencé à nous tomber dessus. J’ai senti la même atmosphère qu’en 2013 : un groupe uni qui n’attendait rien de personne. Il n’y a que nous qui pouvions faire changer les choses. Nous sommes montés en puissance tout au long de la compétition avec un déclic contre l’Argentine. Après ce match, nous nous sommes sentis plus costauds et nous avons su que nous pouvions aller jusqu’au bout. Pour moi, c’était une expérience différente car en 2013 j’étais titulaire et là troisième gardien, mais j’ai vécu tous les entraînements et tous les matchs comme si j’allais jouer. Je crois que niveau émotion je n’ai jamais ressenti quelque chose d’aussi fort sur un terrain de foot. Je dis sur le terrain alors que j’étais sur le bord, mais partout la tension était au plus haut niveau. C’est quelque chose qui m’a marqué. Après chaque match, dans le vestiaire, j’étais en sueur alors que je n’avais pas joué. On peut le voir lors des célébrations, tout le monde partait en courant, tout le monde voulait célébrer. Ce groupe a été la chose la plus forte dans cette Coupe du monde.

« Des rêves, j’en ai toujours, c’est comme ça que j’arrive à avancer et que je prépare mes semaines d’entraînement, mes matchs. »


Votre rêve d’enfant était de jouer au PSG, c'est chose faite. Vous avez gagné la Coupe du monde. Avez-vous encore des objectifs à atteindre ?
On en a toujours. On a envie d’aller toujours plus haut. J’ai regardé la finale de la Ligue des champions et ça donne envie de continuer, de croire en nos rêves, en nos objectifs. Il faut trouver les bonnes opportunités et donner le maximum à chaque fois. Des rêves, j’en ai toujours, c’est comme ça que j’arrive à avancer et que je prépare mes semaines d’entraînement, mes matchs. Quand je me lève le matin, je sais ce que j’ai à faire : prendre du plaisir évidemment et travailler pour atteindre mes objectifs.

Aux Philippines, le football est moins développé qu’ici. Travaillez-vous avec des associations pour sensibiliser les jeunes par exemple ?
Jeune, je réfléchissais avec ma mère à ouvrir une école. Au fil des années, le foot s’est développé là-bas. J’ai même été contacté par l’équipe nationale. Je devais avoir dix-sept ou dix-huit ans. J’attendais de voir si j’avais une opportunité avec l’équipe de France. Aujourd’hui, je suis parrain de l’association Play Life qui travaille aux Philippines mais pas que. En tant que professionnel, à l’entraînement, lorsqu’on tire un ballon en dehors du terrain, on ne va pas le chercher tout de suite. Ailleurs, un ballon peut représenter beaucoup plus. Ce sont des choses accessibles pour nous, mais précieuses quand on est dans le besoin.

Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 23, juillet-août 2021.


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