Adeline Grattard, cheffe du restaurant étoilé Yam'Tcha aux saveurs chinoises

Par Pauline Le Gall
Photo de Edouard Caupeil (photo de Une)

En ouvrant le restaurant Yam'Tcha en 2009 à Paris, Adeline Grattard a installé une cuisine d'influence chinoise riche en émotions et en spontanéité.

Dans son établissement, elle fait la somme de toutes ses expériences, de sa formation à l'école Ferrandi à son passage par les cuisines de Pascal Barbot jusqu’à ses deux ans à Hong Kong avec son mari Chi Wah. En moins de dix ans, elle a obtenu une étoile au Michelin et a ouvert deux nouvelles adresses. Elle nous reçoit ainsi au café Lai'Tcha autour d'un plat d'encornets et d'un savoureux thé glacé au jasmin. Avec une grande simplicité, elle nous raconte son ascension et sa passion pour les saveurs de Hong Kong.

Comment est venu votre intérêt pour la cuisine, et plus particulièrement pour les cuisines exotiques ?

Cet intérêt est en moi depuis toujours. Je lisais beaucoup de livres de cuisine, une habitude que j'ai d'ailleurs gardée aujourd'hui. Ensuite, j'ai eu la chance dans les années 80 de beaucoup voyager avec ma famille. J'ai été dans les Caraïbes, dans l'océan Indien. Avec mes parents, pas question de commander un poulet frites. On mangeait systématiquement local ! Cela m'a permis d'accéder à des cuisines exotiques dès le plus jeune âge.

Quel a été le moment déterminant de votre carrière, celui où vous avez quitté cette voie classique pour tracer votre propre chemin ?

Sans hésitation quand je suis rentrée à l'Astrance, le restaurant de Pascal Barbot. J'y ai appris le respect des produits, l'exigence, la force, le travail. À ce moment-là, j'ai vraiment changé.

 

Encornets au sel et poivre du Sichuan d'Adeline Grattard. 



Aviez-vous déjà cette intuition que vous vouliez quitter la France pour aller explorer d'autres horizons ?

J'avais beaucoup d'influences extérieures. À l'époque, j'étais déjà avec mon mari Chi Wah. On mangeait chinois tout le temps, à la maison et au restaurant. J'étais destinée à m'orienter dans cette direction. Et surtout, j'adorais cette cuisine !

 

« Je me suis imprégnée de cette manière de couper les légumes minute, des chocs de température très violents, des cuissons très courtes. Cette façon de cuisiner fait les textures et les goûts de la cuisine chinoise. Elle m'inspire chaque jour »

 

Après votre passage à l'Astrance, vous avez quitté la France pour travailler à Hong Kong pendant deux ans. Qu'est-ce qui vous a plu là-bas ?

La cuisine chinoise est très précise et rapide. Il y a une main d'oeuvre considérable et un légume sauté va être taillé à la minute.

Cette instantanéité vous a-t-elle inspirée ?

Oui, je me suis imprégnée de cette manière de couper les légumes minute, des chocs de température très violents, des cuissons très courtes. Cette façon de cuisiner fait les textures et les goûts de la cuisine chinoise. Elle m'inspire chaque jour.

 

L'équipe du second restaurant, Lai'Tcha, en 2018. 

 

En 2009, vous ouvrez le restaurant Yam'Tcha. Vous obtenez un succès immédiat... Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

Nous avons eu beaucoup de chance, nous avons été médiatisés très rapidement. Plusieurs facteurs ont joué : il n'y avait pas énormément d'ouvertures à Paris, j'étais une femme cheffe, j'avais voyagé, on faisait une cuisine franco-chinoise... Dès le début, la cuisine du Yam'Tcha était très simple mais aussi très sincère, je n'ai jamais été dans la démonstration. On ne se posait pas de questions avec Chi Wah : on achetait des produits, je les cuisinais. J'étais seule en cuisine et je travaillais 18 heures par jour, voire 20. J'ai fait des sacrifices, j'ai laissé ma fille en Bourgogne chez mes parents pour me consacrer au restaurant pendant un an. Je croulais sous l'administratif... Quand je dis dans Chef's Table [émission de Netflix à laquelle Adeline Grattard a participé, ndlr] qu'à l'époque j'aurais pu soulever une montagne, c'est la vérité ! L'argent familial était en jeu, je n'avais pas le choix. Il fallait que je trouve cette énergie. Cette puissance que j'ai eue à ce moment de ma vie, on ne la trouve qu'une fois.

Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 7, septembre/octobre 2019

 


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