Busan, la deuxième ville de Corée du Sud est bien plus riche qu’on le voit sur Google ou Instagram. Reportage.
Le Gamcheon Culture Village fait partie des tous premiers centres d’intérêt de Busan sur les guides touristiques. Instalée au sud ouest de cette ville de plus de trois millions d’habitants, cette zone aujourd’hui touristique était initialement construite de maisons simples et temporaires, à flanc de montagne, en étages.
Elle hébergeait les populations les plus pauvres et les réfugiés venus du nord, lors de la Guerre de Corée. Au plus fort de sa densité, Gamcheon comptait jusqu’à 30 000 occupants, alors qu’ils étaient 8 200 en 2016. « Avant, lorsque nous entendions parler de cet endroit, nous savions tout de suite qu’il s’agissait d’un village pauvre », raconte Young, guide touristique depuis 2010.
Aujourd’hui, quelques habitants historiques vivent encore dans leurs maisons et ont été rejoints par d’autres du centre-ville ou des artistes. En effet, sous l’impulsion du gouvernement, le village a pris des couleurs et ses ruelles escarpées ont commencé à abriter des œuvres d’art : murales et autres sculptures du Petit Prince.
Gamcheon : Au milieu d’une montagne luxuriante, les tons vifs ou pastel de ces maisons contrastent avec le vert bouteille des arbres alentours et des terrains où certains cultivent leur potager.
Au milieu d’une montagne luxuriante, les tons vifs ou pastel de ces maisons contrastent avec le vert bouteille des arbres alentours et des terrains où certains cultivent leurs potagers. Désormais, l’entrée au village est payante pour les touristes, qui peuvent emprunter un chemin tout tracé, sous réserve de ne pas parler trop fort pour ne pas déranger les habitants.
Ces derniers semblent aujourd’hui habitués à l’agitation. Ils étendent leur linge, ondulent entre les magasins de barbe à papa en forme de lapin et les petits cafés installés depuis peu et laissent à l’extérieur de leurs maisons des jarres en terre contenant le fameux kimchi maison.
À quelques minutes en voiture du village le plus instagramé de Busan, la plage de Songdo attire aussi les visiteurs — très majoritairement asiatiques. Non pas pour son sable blanc, mais plutôt pour ses constructions au-dessus de l’eau.
Ammam Park, au bout du téléphérique, à Busan.
Entre un pont le long de la baie ou un téléphérique aux cabines de verre qui laissent apercevoir le sol et la mer sous les pieds des passagers, les touristes sont conquis. Au bout du téléphérique d’un kilomètre et demi, Ammam Park et sa balade, où, au sommet de la colline, les Coréens jouent des coudes pour se trouver une place où pique-niquer. En quelques minutes, la ville s’est dissipée pour ne laisser place qu’à la forêt.
Marché de Jagalchi, à Busan.
Vous prendrez bien un peu de poisson !
Un peu plus à l’est, avant de se rapprocher du quartier de Nampo, un des plus actifs de Busan, direction le très fameux marché Jagalchi. Il est lui aussi emblématique de cette ville portuaire, réputée pour ses richesses culinaires venues du large.
Marché de Jagalchi : Son trésor ? Des poissons, fruits de mer et crustacés, souvent vivants, dans quelques centimètres d’eau, et toujours très frais.
Dans ces rues, les bassines rouges et jaunes pullulent, sur des étals ou à même le sol, abritées sous des parasols tout aussi colorés et surveillées religieusement par des vendeurs qui n’hésitent pas à héler chaque passant. Leurs trésors ? Des poissons, fruits de mer et crustacés, souvent vivants, dans quelques centimètres d’eau, et toujours très frais. Calamars, carrelets et poulpes se croisent, et leurs prix sont fixés en fonction de l’offre et de la demande chaque matin.
Certains viennent des mers de Corée, d’autres de plus loin. Au sein du marché couvert, mieux vaut porter des bottes en caoutchouc, comme les vendeurs au look farfelu : tablier coloré, manches à enfiler au dessus de son vêtement et gants dépareillés. Ici, les coloris explosent et nous font presque oublier ces dizaines d’anguilles qui attendent d’être mangées crues, aux côtés de poissons-pénis et autres découvertes très locales.
Kimchi maison à retrouver sur tous les marchés de la ville de Busan.
Plus souvent attribué aux habitudes culinaires japonaises, le fugu (poisson ballon qui peut être toxique s’il est mal préparé, entraînant la mort d’une dizaine de personnes chaque année) se déguste ici cru, frit ou bouilli en soupe.
Gloire au cinéma
Juste à côté : autre marché, autre ambiance. Le Gukje Market se veut beaucoup plus « bazar », marché de rue où l’on trouve aussi bien des pyjamas à l’effigie d’Hello Kitty que des plats en terre, des soupes de haricots rouges et des beignets en forme de noix.
Jeunes et moins jeunes se croisent ici pour tout un tas de raisons, dont la place BIFF, connue pour ses cinémas, ses centres commerciaux et les empreintes de stars internationales du cinéma qui décorent les rues façon Hollywood Boulevard.
Car si Busan est connue internationalement, outre le long-métrage de morts-vivants Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, c’est surtout pour son festival international du film, présenté chaque année à l’automne. Il abrite une compétition internationale pour les premiers films et une compétition pour les films asiatiques.
Quartier de Seomyeon, à Busan.
Le quartier le plus mignon de tout Busan
Après Nampo, qui regroupe donc le marché Gukje et BIFF Square, direction un autre lieu bouillonnant de la ville : Seomyeon. En fin de journée, tous s’agitent.
Les petites rues de ce quartier sont pleines de restaurants : en étage, de plain-pied, façon street food, il y en a pour tous les goûts et surtout pour tous les sens.
Les éclats de rires des groupes d’amis qui fument des cigarettes au coin de la rue accompagnent les jeunes couples habillés de la même manière pour un dîner romantique, tandis que les pancartes flashy nous laissent saliver sur des barbecues et autres poulets frits.
Jeonpo Cafe Street : Ici, on fait du lèche-vitrine à hauteur des yeux.
À quelques pas de là, Jeonpo Cafe Street apporte une touche plus occidentale à la ville. Contrairement aux grands buildings et centres commerciaux en étages, ici on fait du lèche-vitrine à hauteur des yeux.
Café branché, bar mexicain, concept store épuré, trattoria italienne, bar à pâtisseries ouvert H24, boutique de glaces aux allures de Poudlard, carterie au design californien et autres spots à bingsu (dessert coréen à base de glace pilée) font le bonheur des générations X, Y et Z.
Même Young, le guide touristique, ne connaissait pas le coin. Une jolie surprise qui montre à nouveau la richesse de cette ville.
Parc naturel de Taejongdae, à Busan.
Ville et nature
D’ailleurs, comment parler de Busan sans évoquer sa presque-île et Taejongdae, parc naturel aux falaises abruptes. Ici, les voitures sont priées de rester au parking et l’on découvre le lieu en petit train (entouré de touristes chinois).
Le guide nous explique que le nom donné à cet endroit où la nature poursuit son règne vient du roi Taejong Muyeol, souverain de Silla, l’un des trois royaumes de Corée, dans les années 600. Le jeune roi aimait ce parc et la vue imprenable qu’il offre sur la mer et l’horizon. On reconnaît son bon goût.
L'odeur de la pluie, le chant des oiseaux, le clapotis des vagues nous apportent un air de vacances à l’intérieur même du voyage. Taejongdae n’est pas le seul petit coin de nature à faire oublier le goudron de la ville. Plus difficile d’accès, Oryukdo permet également de s’émerveiller devant la mer et de regarder les pêcheurs tenter d’attraper quelques poissons au filet.
Dans le centre de la ville — bien qu’il n’existe pas de cœur historique avec un épicentre et sa périphérie mais plusieurs quartiers très animés parsemés sur un large territoire —, la nature se reflète par ses plages. Celle d’Haeundae est la plus connue et la plus large. Cette immense bande de sable crée une barrière entre l’océan et les hôtels cinq étoiles.
Plage d'Haeundae, à Busan.
L’été, les Coréens et touristes s’asseyent là pendant des heures, à regarder le coucher de soleil avant de regagner les bains chauds de la ville. Car dans ce quartier, de nombreuses sources d’eau chaude donnent l’occasion de se détendre, comme au bord de la plage, avec une sorte de bain de pied commun où chacun se prélasse.
Le guide nous parle aussi d’un marché à cinq minutes de la plage, où les stands de nourriture côtoient ceux des DVD piratés.
Un tout petit peu plus au sud, et peut-être aussi plus charmante, la plage de Gwangalli brille par son pont qui s’éclaire chaque nuit de toutes les couleurs. Des concerts et des festivals de feu d’artifices s’y déroulent chaque année.
Temple de Beomeosa, à Busan.
Un temps pour prier
Comme si la mer, la montagne et la ville ne suffisaient pas à Busan pour en faire une destination incontournable en Asie, il faut aussi compter sur l’authenticité de ses temples.
Entre celui d’Haedong Younggungsa et celui de Beomeosa, il n’y a pas à dire, le deuxième l’emporte haut la main. Le premier, plus récent, est facilement accessible et très touristique. Il n’y a qu’à regarder les stands de souvenirs postés à la sortie du parking sur le chemin qui mène au temple. Léché par les vagues, il offre une image de carte postale à quiconque arrive à le prendre en photo sans qu’il y ait trop de visiteurs ce jour-là. Petit et mignon, il a la particularité d’être situé sur le front de mer et sent bon le jasmin, présent partout autour des constructions.
Temple de Beomeosa: Après la méditation, les moines traversent la cour du temple et les visiteurs sont invités à déjeuner gracieusement à la cantine, autour d’un repas végétarien.
Cependant, s’il faut visiter un seul temple, celui de Beomeosa doit être tout en haut de la liste. D’abord, une première porte sépare le commun du céleste ; un premier pas dans l’autre monde. Ensuite, en arrivant devant les différents bâtiments, un sentiment de sérénité s’installe, bien que le gong résonne ici et là et que les chants des croyants répartis autour se superposent. Durant la méditation, les moines, habillés de tuniques grises et ocre, répètent en boucle la même citation sur une même mélodie.
Les croyants quant à eux réalisent les mêmes gestes : debout, à genoux, les mains et la tête contre le sol, ils s’inclinent puis se relèvent à nouveau. Quelques coussins en soie brodée, disposés sur le sol, permettent à ces femmes (majoritaires) de ne pas trop s’abîmer les genoux. Contrairement à d’autres pays asiatiques, l’encens n’est pas très présent et le silence est total.
Chaque petite maison faite de bois et recouverte de peinture verte et rouge, de dessins de végétaux et d’animaux, représente un saint : Guanyin, très présent en Corée, Bouddha, ou encore le dieu de la montagne, puisque Beomeosa y est logée.
Après la méditation, vers 11 heures, les moines traversent la cour du temple et les visiteurs sont invités à déjeuner gracieusement à la cantine, autour d’un repas végétarien. Il faut faire la queue au soleil, entre les croyants et les randonneurs qui s’arrêtent reprendre des forces, puis attraper un bol en fer et le remplir de riz, de pousses de soja, de kimchi, de légumes et de tofu. Le dimanche, près de mille repas sont servis, huit mille lors de la célébration de l’anniversaire de Bouddha, au mois d’avril. Et dire qu’il n'existe pas de guide touristique en français sur Busan... Peut-être à vous de l’écrire ?
Plus d'infos sur le site de l'office de tourisme de Corée du Sud.
Article initialement publié dans le magazine Koï, numéro 12, juillet-août 2019.