Une vigneronne du Sichuan dans le Languedoc

Par Sophie Kloetzli

Près de Narbonne, une femme redonne ses lettres de noblesse à un domaine longtemps tombé dans l'oubli. Gao Nanping arpente inlassablement les terrasses des Corbières, un territoire battu par la tramontane qui a forgé la dureté du sol et de ses habitants, peu habitués à voir une femme, d'origine chinoise, diriger un domaine et souvent leur tenir tête. Portrait de celle que l'on appelle dans le coin « la Chinoise de la Bastide ».
[Texte : Weilian Zhu – Photos : Emeric Fohlen]

En Chine, on aime croire que l'écriture reflète la personnalité. Gao Nanping a toujours admiré le grand calligraphe Wang Xizhi. Les caractères de ce lettré du IVe siècle sont restés célèbres pour leur style peu conventionnel aux traits fluides et élégants. Casser les codes, c'est aussi ce qui caractérise le travail de cette vigneronne d'origine chinoise installée à Montpellier depuis trente-cinq ans. Avec son visage poupon et ses cheveux soigneusement remontés, elle passe rarement inaperçue dans un milieu masculin et bourru. Lors d'une réunion entre vignerons, un homme avait lancé : « Je sais qui vous êtes ! », tout en refusant de lui serrer la main. Et sa réponse de fuser : « Je ne sais pas qui vous êtes et ça ne m'intéresse pas de le savoir ». Un caractère bien épicé qui caractérise aussi l’identité de ses vins.

Gao Nanping s'est convertie sur le tard à la viticulture. En 2015 plus précisément, quand elle s'est retrouvée à la tête du domaine la Bastide et de ses soixante hectares de vignes près d'Escales (Aude). Un groupe chinois, BHC, venait d'en faire l'acquisition et demeure aujourd'hui encore l'unique vignoble d'Occitanie sous le giron chinois. En mettant un pied dans un milieu où « changer la moindre chose chez le vigneron peut lui crever le coeur », elle doit jongler entre le poids des mentalités et le respect des traditions, un équilibre précaire sur lequel elle marche depuis son enfance. En quittant à dix-sept ans Chengdu (capitale de la province du Sichuan), sa ville natale, pour étudier le français à Chongqing (dans la même province), elle a choisi un compromis entre son émancipation et le renoncement à des études de lettres que lui déconseillaient ses parents, eux-mêmes professeurs de littérature et de philosophie.

Cet article est à lire en version intégrale dans Koï #24, disponible en ligne ou en kiosque.


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