Femmes asiatiques françaises, nous ferons reculer la haine ce dimanche

Par Pandou Media

Le réseau des Femmes Koï réunit en France des femmes d'origines asiatiques influentes et leurs alliées. Leurs voix s'élèvent aujourd'hui contre Marine Le Pen. Parmi elles : Mai Hua, Boulomsouk Svadphaiphane, Christelle Pécout, Linh-Lan Dao, Mia Ma, Loan Huynh, Jade Phan-Gia, Eliane Cheung, Thérèse Sayarath ou encore Julie Hamaïde.

Nous sommes un groupe de femmes françaises d’origines laotienne, vietnamienne, chinoise, cambodgienne, coréenne… asiatiques. Nous sommes artistes, politiciennes, journalistes, chômeuses, céramistes, boulangères, activistes, restauratrices… Filles d’immigrés, filles de réfugiés, parfois nous-mêmes réfugiées, parfois adoptées.

À l’école, dans la rue, dans l’espace public, depuis que nous sommes nées, nous sommes l’Autre. L’Autre car nous n’avons pas le même visage, la même peau, la même éducation. Ces réflexions et regards que nous recevons peuvent aller de la simple curiosité au racisme assumé. À chacune sa manière de les recevoir. Mais il y a des jours où nous souhaiterions être juste “nous”. 

Et dans ce groupe, qui est désigné à notre corps défendant comme une minorité, nous pouvons être pleinement diverses et plurielles. Même en étant l’Autre, nous rassemblons à nous seules tant de singularités et de nuances, des milliers de manières d’être.

Et c’est une force que nous apprenons à cultiver contre la haine, y compris parfois de nous-mêmes, avec un sens aigu du collectif, une créativité que nous ramenons dans nos vies. Nous sommes autant de vies françaises, qui participent à la richesse de la France.

En même temps, c’est factuel, nos visages viennent interrompre un récit très profondément ancré selon lequel l’identité française est liée à la blanchité. La majorité s’en réjouit mais, bien sûr, d’autres y résistent. De toutes leurs forces. D’autres encore en viennent à se dire que ça n’est pas leur problème.

Depuis des décennies, notre “discrétion” a rendu nos vies moins visibles, moins précieuses, jusqu’au moment où la pandémie a fait des Asiatiques des boucs émissaires. Là, le racisme anti-Asiatiques a éclaté au grand jour (même si les stéréotypes racistes sont latents depuis l’époque coloniale).

Quelles que soient nos convictions politiques, nous n’avons pas le luxe de nous abstenir au second tour.

Au premier tour, nos votes sont allés à différents candidats mais jamais à l’extrême droite, qui nous voit comme un bloc informe et lointain, hors de “leur” France. L’arrivée de l’extrême droite dirigée par Marine Le Pen au second tour a contribué à décomplexer une parole raciste contre nous, sur nos RS et dans la rue : “Prends ton billet retour”, “ni hao”, l’imitation du fameux accent “asiatique” en notre présence, etc., sont devenus nos réalités.

Nous en sommes profondément choquées et quelles que soient nos convictions politiques, nous n’avons pas le luxe de nous abstenir au second tour. Ni pour nous-mêmes, ni pour nos enfants, ni pour nos frères et sœurs d’origine étrangère, ni pour les Noirs, les Juifs et les Musulmans de France, ni pour les LGBTQIA+, ni pour les personnes en situation de handicap, ni même… pour la France que nous défendons, parfois critiquons, pour la France que nous aimons et qui est aussi la nôtre.

Car nous aimons profondément notre pays et le remercions d’avoir accueilli nos parents, même s’il les a colonisés, de nous avoir fait grandir dans une école laïque et gratuite, où nous avons appris l’ouverture d’esprit, de nous avoir permis de nous épanouir dans nos métiers, ou de changer de carrière, ou soutenues quand nous sommes au chômage, d’avoir un système de santé égalitaire pour tous·tes, d’être un pays qui laisse la part belle à la culture, et à ses artistes.

Dire que l’on aime la France, ça n’est pas (que) du chauvinisme primaire. Cela n’est pas forcément de l’arrogance. Cela n’est pas non plus obligatoirement "se contenter de". C’est aussi affirmer son existence, légitimer sa présence, faire de la place à l’autre, conscientiser son appartenance à un tout. C’est cela faire peuple, faire France.

Nous avons rendez-vous avec la réalité. Quelles seront ces 5 prochaines années avec Marine Le Pen ?

Nos ancêtres ne sont pas gaulois, certes. Mais nous n’ignorons pas notre héritage historique, les erreurs qui ont été faites, et les leçons à en tirer. L’extrême droite est toujours venue au pouvoir par voie démocratique et en prenant diverses apparences. Aux Etats-Unis, Trump s’est présenté comme l’anti-élite alors qu’il n’y a pas plus capitaliste. À Béziers, là où un maire d’extrême droite est en fonction, les enfants sont fichés selon leurs prénoms. Certains livres ont été retirés des bibliothèques à Orange, Marignane, Vitrolles, Toulon (municipalités RN). Le droit à l’IVG a été restreint en Pologne et en Hongrie. Le Pen se présente comme une grande bienfaitrice des chats, mais n’oublions pas que Hitler aimait beaucoup les animaux, alors que son parti se présentait comme “national-socialiste” (ou nazi, donc) pour protéger les “petites gens”.

Nous ne sommes pas dupes de cette dédiabolisation magnifiquement orchestrée, ces plans de communication visant à nous endormir.

Nous comprenons la défiance et l’envie de ne pas voter pour Emmanuel Macron ! Mais nous avons rendez-vous avec la réalité. Quelles seront ces 5 prochaines années avec Marine Le Pen ?

Marine Le Pen, c’est une politique tout aussi néo-libérale et antidémocratique que Donald Trump. C’est une équipe qui protège et a travaillé main dans la main avec le groupuscule ultra-violent Gud (Groupe union défense, jusqu’à sa dissolution en 2017) ; il se trouve que l’assassin du rugbyman argentin Federico Aramburu en plein cœur de Paris, en mars dernier, était un militant du Gud. C’est un déni de l’écologie comme Bolsonaro. Or, nous savons que la cause écologique est l’urgence absolue de notre époque.

Nous vous demandons, avec humilité et force, de voter ce dimanche. De voter contre Marine Le Pen en votant Macron. Nous croyons en la force du peuple français contre l’obscurantisme et pour le Vivre Ensemble. 

Parfois, on ne naît pas français.e, mais on le devient.


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