Mory Sacko et le Japon : l’amour du goût

Par Pandou Media

Le chef Mory Sacko, révélé par Top Chef, est tombé amoureux du Japon adolescent à travers One Piece, Naruto et Dragon Ball. Pour Louis Vuitton à Saint-Tropez, il réalise une carte aux influences nippones. Rencontre.[Texte : Julie Hamaïde]

Comment avez-vous découvert le Japon et sa culture ?
Par les mangas ! J’en lis depuis que j’ai l’âge de comprendre ce que je regarde. J’ai commencé avec le Club Dorothée, donc Nicky Larson ou Les Chevaliers du Zodiac et ensuite One Piece et Dragon Ball.

Donc là vous êtes à jour sur One Piece ?
Ah oui ! Ça fait 20 ans que je suis One Piece. Je fais partie de ceux qui souffrent de la pause d’un mois [rires].

 

Mory Sacko à Saint-Tropez pour sa collaboration
avec Louis Vuitton. Photo : Martin Colombet.

 

Apparemment, c’est en lisant des mangas que vous vous êtes intéressé à la cuisine japonaise. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est vrai qu’à force de voir Sangoku dévorer des kilos de takoyakis, Naruto manger ses ramens ou Sacha de Pokemon avec ses onigiris, je me suis demandé si c’était bon et j’avais envie de me faire mon propre avis.

Quel est le premier plat japonais que vous avez essayé ?
Je suis allé chez un traiteur asiatique, j’ai testé des sushis, quelques ramens, des choses assez bas de gamme et à l’opposé de ce que j’avais l’habitude de manger. J’ai adoré le premier sushi que j’ai goûté, la texture etc. Pour d’autres plats, j’ai mis plus de temps à les apprécier, comme la soupe miso ou le goût du daïkon légèrement fermenté. Le tofu, je n’arrivais même pas à le toucher [rires].

Pourquoi avez-vous choisi de persister ?
Parallèlement à des produits et des textures surprenants, il y en a que j’adorais. La première fois que j’ai goûté le black cod du chef Nobu, j’ai découvert un autre monde. J’ai beaucoup persévéré car c’est une cuisine complexe et riche. Un même plat, un même produit, peut avoir différentes utilisations selon la région dans laquelle on est et c’est très normé. Au début, l’apprentissage est un peu rigide mais ensuite on peut vraiment s’amuser.

 

Mory Sacko à Saint-Tropez pour l'inauguration du
restaurant de Louis Vuitton. Photo : Martin Colombet.

 

Avez-vous déjà visité le Japon ?
Jamais ! J’attends cette visite avec impatience. C’est une découverte nécessaire et j’y vais surtout pour manger.

Comment avez-vous alors appris à utiliser ces produits?
En faisant les recettes des chefs Thierry Marx ou Nobu Matsuhisa. La cuisine japonaise classique, je l’ai apprise avec mes collègues. J’ai eu beaucoup de chance au Mandarin Oriental avec une brigade composée de cuisiniers japonais. C’est un apprentissage et des relations humaines qui m’ont permis d’explorer cette gastronomie.

Vous n’êtes jamais allé au Japon et vous proposez une cuisine d’inspiration japonaise. C’est audacieux.
Je me sens à l’aise avec ça, je communique dessus. Le Japon que j’illustre dans ma cuisine est celui qui existe dans ma tête. Je ne fais pas miroiter le fait que j’ai tout appris au Japon. On explique aux clients de MoSuke que ma cuisine n’est ni française, ni africaine, ni japonaise. Elle s’amuse à tirer le meilleur des trois en en créant une nouvelle.

 

Inauguration de Mory Sacko at Louis Vuitton.
Photo : Martin Colombet.

 

À quoi ressemble cette cuisine japonaise qui existe dans votre tête ?
C’est une cuisine de soustraction. On a tendance à dire que le meilleur chef est celui dont le travail ou la main ne se voient pas. Pour moi, le goût japonais au sens large c’est l’umami mais aussi la recherche d’une certaine fadeur avec une complexité énorme. C’est beau de précision.

Dans votre restaurant étoilé MoSuke, vous avez choisi de faire rencontrer les cuisines française, japonaise et africaines. C’est un sacré pari tant elles sont différentes.
Je m’amuse de ces contrastes. Dans les cuisines d’Afrique, on va chercher des goûts profonds, même exubérants. Par exemple, dans notre bouillon dashi, les marqueurs vont être plus appuyés, je vais infuser la bonite plus longtemps. C’est cette partie de l’Afrique en moi.

Y a-t-il des recettes qui ne fonctionnent pas ?
Oui, on ne peut pas arriver à un équilibre 50-50 à chaque fois. Pour l’œuf dashi, je râpe de la baie de Selim, un poivre qui apporte une pointe de chaleur et d’intensité. Ce plat est à 98 % constitué de produits japonais mais le poivre présent à 2 % y apporte tout le caractère.

 

Ekiben de Mory Sacko at Louis Vuitton. Photo : Kenny Germé.

 

Comment a été pensée la carte que vous proposez au restaurant Louis Vuitton à Saint-Tropez ?
J’ai eu quasiment carte blanche. Au départ, on avait une inspiration commune : l’art du voyage. Je rêvais de faire un ekiben. On l’a pensé comme un plateau-voyage : on est parti du sandwich SNCF mais en mieux [rires] !

Y a-t-il d’autres aspects de la culture japonaise qui vous intéressent ?
Je suis principalement tourné vers les mangas et la cuisine. J’aime aussi les esprits créatifs dans le monde de la mode, comme Hiroshi Fujiwara, Yohji Yamamoto.

 

MoSuke, 11 Rue Raymond Losserand, 75014 Paris

Mory Sacko at Louis Vuitton, White Hôtel – Place des Lices, 83990 Saint-Tropez.


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